Pour sa première édition, la Biennale de Tirana fait de la faiblesse de ses moyens un avantage. Attirés par ce défi, trente commissaires ont invité deux cents artistes à participer à un événement très attendu par la scène locale.
TIRANA - Existe-t-il encore de lieu sans biennale ? À en croire les rumeurs, une manifestation de ce type est même prévue à Katmandou. Pour l’heure, l’Albanie inaugure la première édition de la sienne. Limité à 30 000 dollars, le budget de la manifestation est déjà dépassé. La somme a toutefois été garantie par le conseil municipal de la ville afin de dédommager les artistes et commissaires présents pour les quatre jours du vernissage. Quant aux billets d’avion, aux frais de production et de transport des œuvres, ils sont à la charge des artistes eux-mêmes, ou des institutions culturelles de différents pays, comme le British Council pour l’Angleterre, l’Ifa pour l’Allemagne, l’Istituto italiano della cultura, l’Institut suédois, ou encore le ministère grec des Affaires étrangères. La Fondation Soros, Pro-Helvetia et l’Unesco ont pour leur part assuré des charges administratives doublant au final la subvention municipale.
Pour Giancarlo Politi, éditeur du magazine italien Flash Art, et à l’origine de la manifestation, ce budget serré est loin d’être un handicap. “Il est bien évident que nous présentons un art beaucoup plus intéressant, nettement différent, plus dialectique et plus jeune que ce qui est exposé à Venise, à São Paulo, à Kwangju ou à Berlin, des manifestations disposant de budgets illimités. Je voulais retourner aux racines en organisant une exposition montée par des artistes et des conservateurs pour des artistes et des conservateurs. Aujourd’hui, pour assurer privilèges et bénéfices à une poignée de personnes, les budgets des biennales sont gonflés jusqu’à prendre des proportions démesurées et les manifestations n’offrent que du vide. Elles ne traitent jamais des idées ou des personnes.”
“Cet événement récompense l’art contemporain albanais pour l’influence qu’il a exercé sur la scène internationale au cours des deux dernières années”, complète Edi Muka. Remarqué pour l’organisation en 1998 à Tirana, d’“Onufri”, exposition sur l’art des Balkans, le codirecteur de l’événement revient sur le titre choisi : “The Escape”. “Le désir de s’échapper est un phénomène dominant dans l’Europe d’aujourd’hui, explique-t-il. Après plusieurs années d’émigration albanaise, une géographie et un environnement culturels nouveaux voient le jour grâce aux rencontres et à la façon dont elles sont refusées ou reçues. D’étranges formes hybrides sortent de ce mélange encore incertain, mais animé d’une énergie nouvelle. ‘The Escape’ est une expression artistique du nomadisme. Aujourd’hui, l’artiste est un être sans racines qui ère, défie les limites et les frontières culturelles et physiques.” À la vue des quelque deux cents artistes présents, l’enthousiasme semble partagé. “Tirana n’est pas simplement une biennale de plus, mais un acte de construction communautaire, puisque le simple fait de participer soutient et permet la création d’œuvres nouvelles, estime l’artiste bulgare Luchezar Boyadjiev. Tirana ne fera jamais partie du grand chelem des rendez-vous artistiques européens. Mais cela importe peu. Tirana sera une initiative miraculeuse pour l’Europe de l’Est, une plate-forme importante et, peut-être, un rendez-vous.”
- Biennale d’Art contemporain, du 15 septembre au 15 octobre, Musée national, place Skënderbej, Parc national des expositions, Tirana, Albanie, tél. 355 422 34 46, www.tiranabiennale.org
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De l’autre côté de la mer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : De l’autre côté de la mer