La vente new-yorkaise de tableaux anciens de Christie’s se tient désormais en avril
au lieu de janvier. De son côté, Sotheby’s reste fidèle au début de l’année.
NEW YORK - Une vraie partie de bras de fer s’est engagée entre les deux géants des enchères à propos du calendrier international des ventes de tableaux anciens. Christie’s a annoncé fin 2005 un changement de date de sa traditionnelle vente de prestige de janvier à New York, repoussée cette année au 6 avril. « La stratégie de notre département international est de laisser un laps de temps suffisant entre chaque vente de tableaux, et donc d’éloigner la vacation de New York de celle qui se tient à Londres au mois de décembre. La seconde vacation annuelle de New York ayant lieu en octobre, cela équilibre également mieux notre calendrier new-yorkais, commente Nicholas Hall, l’une des deux têtes du département chez Christie’s. Sans compter le mauvais temps, qui est épouvantable à cette période à New York. » La maison de ventes affirme ainsi vouloir pérenniser ce nouveau rendez-vous. Elle espère aussi que sa rivale Sotheby’s lui emboîtera le pas. « Ce n’est pas au programme, rétorque le département des Tableaux anciens de Sotheby’s. Nous avons eu une discussion interne en février à ce sujet, et, même si ce n’est pas idéal d’avoir des ventes à des dates différentes, nous maintenons notre vacation de janvier, qui est une très bonne date, contrairement à avril, moment où les New-Yorkais doivent s’acquitter de leur impôt. Malgré l’absence de Christie’s cette année fin janvier, tous nos clients sont venus. Nous avons même enregistré un produit de vente exceptionnel de 67 millions de dollars [55,5 millions d’euros] ! Cela tient sans doute aussi à une forte demande des marchands venus faire le plein pour Tefaf Maastricht et qui, eux, ont regretté l’absence de Christie’s. »
La Tefaf (lire p. 24), qui a lieu tous les ans en mars, est une véritable pompe aspirante du marché des tableaux anciens, donc l’un des enjeux dans la suite à donner à ce bouleversement de date. Les plus belles toiles achetées par le commerce dans les ventes de New York (plus de 50 % des achats) sont exposées seulement quelques semaines plus tard sur la foire. « Ce n’est pas toujours possible, lance Nicholas Hall. Parfois, un nettoyage, une restauration, un encadrement peuvent prendre plus de deux mois. Et puis notre positionnement en aval de Maastricht est également sensé : les marchands qui ont bien vendu à la foire (car le marché est fort pour la peinture ancienne) ont aussi besoin de se réapprovisionner. » Avec ce décalage de date, Christie’s a de plus fait le plein de beaux tableaux qui ne seraient pas arrivés à temps pour une mise sur le marché en janvier, telle une pièce majeure de Turner. Avec un catalogue estimé entre 50 et 70 millions de dollars, cette vente est a priori l’une des meilleures organisées à New York par Christie’s.
Acte d’allégeance
Le lot phare de la vacation, Giudecca, La Donna della Salute and San Giorgio, un chef-d’œuvre de Turner représentant une vue de Venise, est attendu autour de 20 millions de dollars. Le succès de Christie’s repose notamment sur cette toile, qui n’est pas réapparue en vente publique depuis 1897 et qui demeure l’œuvre la plus importante de Turner qui soit passée aux enchères depuis vingt ans. Un florilège de peintures figure par ailleurs au programme, dont une série de natures mortes, comme un chef-d’œuvre botanique incarné par un splendide bouquet de fleurs dans un vase en étain décoré réalisé par le peintre de l’école du Nord Georg Flegel vers 1610, estimé 2,5 millions de dollars ; une Coupe aux pêches par le contemporain du Caravage, Fede Galizia, estimée 500 000 dollars ; ou une Nature morte aux instruments de musique du XVIIe par Evaristo Baschenis, un artiste rarissime sur le marché, sur une estimation basse de 700 000 dollars. Dans la catégorie des primitifs italiens, notons un Saint Augustin à fond d’or de Sassetta, estimé 1,2 million de dollars, qui est la dernière peinture de l’artiste encore en main privée ; et, dans un autre registre, deux paysages maritimes de Luca Carlevarijs, peintre à Venise et professeur de Canaletto, estimés respectivement 2 et 3,5 millions de dollars.
Pour l’instant, les deux maisons de ventes restent divisées sur cette question de date et campent sur leurs positions. L’avenir nous dira, sans doute en fonction du résultat de cette vente inaugurale, si cette double programmation est vraiment souhaitable pour le marché. Et sinon, qui de Christie’s ou de Sotheby’s fera acte d’allégeance ?
- Experts : Nicholas Hall, Richard Knight
- Nombre de lots : 148
- Estimation totale : 50 millions de dollars (41,4 millions d’euros)
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En avril, fais ce qu’il te plaît
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Abonnez-vous dès 1 €Vente le 6 avril, Rockefeller Plaza, Christie’s, New York, tél. 01 40 76 85 85, www.christies.com
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : En avril, fais ce qu’il te plaît