Politique

Profession - L’État adoube le Cipac

Le Cipac gagne en légitimité publique

Réunie pour la première fois sous la forme d’assises, cette fédération de professionnels a affiché son unité autour de la structuration du secteur. Un « Conseil national des arts visuels » verra le jour avant la fin 2016

Par David Robert (Correspondant à Rio de Janeiro) · Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2016 - 1381 mots

PARIS

La Fédération des professionnels de l’art contemporain, présidée par Catherine Texier, a tenu ses premières assises à Paris. Ses représentants ont affiché une commune détermination dans la volonté de structurer le secteur. La présence d’élus actifs dans le secteur en fait un interlocuteur reconnu. La directrice générale de la Création a annoncé des mesures importantes.

PARIS - « Les assises seront le temps de la politique », avait prévenu Catherine Texier. Dans un texte d’ouverture également publié en tribune dans le quotidien Libération daté du jour, la présidente de la Fédération des professionnels de l’art contemporain (Cipac) – par ailleurs codirectrice du Frac-Artothèque du Limousin – a rappelé le déficit chronique de structuration dont souffre le secteur des arts visuels : pas de branche professionnelle, pas de convention collective, pas de représentation apte à faire le poids et disposant des compétences pour traiter des questions qui concernent les professionnels de la production, de la diffusion et de la médiation dans l’art contemporain. Le Cipac, depuis sa création en 1997, a pour mission principale l’organisation de la filière. C’est la raison d’être de cette fédération et l’objectif de sa présidente, renouvelée pour deux ans dans ses fonctions en juin dernier. Le Cipac s’est réuni le 12 septembre au Carré du Temple pour des assises qui devraient être annuelles.

Des objectifs synthétisés par les parlementaires présents
Entre l’introduction de Catherine Texier prononcée devant les parlementaires présents (Patrick Bloche, député de Paris, président de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale ; David Assouline, sénateur de Paris, vice-président de la commission de la culture du Sénat ; et Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, secrétaire de la commission de la culture du Sénat) et l’allocution de clôture de Régine Hatchondo, directrice générale de la Création artistique (DGCA), l’unité de la profession a été le mot d’ordre.

Les associations membres du Cipac se sont en effet succédé à la tribune pour dresser un état des lieux de leurs professions respectives : Christelle Kirchstetter, directrice de l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes et représentante de l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdÉA) ; Étienne Bernard, président de DCA, œuvrant pour le développement des centres d’art ; Bernard de Montferrand, président de Platform, qui regroupe les 23 Frac (Fonds régionaux d’art contemporain) ; David Cueco, venu pour la Fédération française des professionnels de la conservation-restauration ; Éric Dupont, pour le Comité professionnel des galeries d’art ; Marianne Lanavère, directrice du Centre international d’art et du paysage de Vassivière et présidente du réseau Cinq,25…

Si la litanie des interventions a pu en diluer l’impact, elles ont affiché une cohérence certaine. Bien que les intervenants n’aient pas toujours su profiter de la qualité des invités pour susciter un débat de fond, ils ont délivré un message d’unité et de mobilisation. Patrick Bloche et Sylvie Robert ont démontré leur bonne connaissance des dossiers et leur compréhension des enjeux, en élaborant une synthèse des objectifs énoncés : mieux définir les moyens de formation des élus à la politique culturelle ; faire adopter les « schémas d’orientation pour le développement des arts visuels » (Sodavi) ; s’inspirer des métiers d’art en proposant une lecture – entre autres – économique du secteur, qui permette définition et reconnaissance de ses métiers. Dans cette séance studieuse, on peut regretter l’absence de quelques acteurs importants tels l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques) ou le Palais de Tokyo (centre d’art membre de DCA). Elle aurait pu attirer aussi davantage d’élus locaux, dont le rôle a été longuement commenté à l’heure d’une réforme territoriale qui bouleverse le secteur.

Un futur « Conseil national des arts visuels »
L’après-midi, la volonté de structuration a trouvé un premier écho dans l’intervention d’Emmanuel Négrier, directeur de recherche en sciences politiques au CNRS et professeur à l’université Paul-Valéry de Montpellier. Celui-ci a posé les jalons d’une étude statistique poussée. Dans une présentation captivant un auditoire peu accoutumé à voir son activité ainsi disséquée, il a partagé ses données économiques et financières, sociales, culturelles et artistiques. En comparant les budgets et structures de financement des Frac et des centres d’art, il a construit une vision d’ensemble des rôles respectifs des différentes collectivités dans l’équilibre national de la diffusion. En scrutant leurs politiques d’acquisition, il a mis en valeur les différences de vocation entre les structures. En analysant les statuts des techniciens, des personnels administratifs et des artistes, il a posé les premiers fondements d’une branche professionnelle structurée.

Régine Hatchondo a clos cette journée résolument politique par des annonces : la création d’un « Conseil national des arts visuels » ou « Conseil national des professions » avant la fin de l’année. À ses côtés sur scène, Catherine Texier s’est réjouie de la nouvelle tout en s’interrogeant : de quel pouvoir pourra jouir ce conseil national et quelles compétences pourra-t-il exercer, sans branche professionnelle identifiée sur laquelle s’appuyer ?
Sans répondre sur la méthode, qui passera nécessairement par la concertation syndicale, Régine Hatchondo a pourtant donné des gages sur le fond, décrivant un organe doté de trois commissions : l’une vouée à l’emploi et la formation, la deuxième à la protection sociale et la dernière à la protection des droits d’auteur à l’ère de l’Internet.

Perfectibles dans leur forme, les premières assises du Cipac ont néanmoins recueilli les fruits de leur stratégie politique : en choisissant ce cénacle pour annoncer la création d’un conseil national, Régine Hatchondo adoube le Cipac. Certes, le décret attendu avant Noël devra confirmer la faisabilité et les pouvoirs réels de cet organe. Mais, in extremis avant la paralysie de 2017, les organisations professionnelles des arts visuels entrevoient enfin la possibilité de faire avancer leurs dossiers.

3 questions à

Catherine Texier, présidente du Cipac, la fédération des professionnels de l’art contemporain

À quoi servent ces assises, alors que le Cipac organise déjà un Congrès [le dernier s’est réuni à Lyon en 2013, NDLR] et des journées d’étude interrégionales ?
Les journées sont des réunions de travail sur des points précis, opérationnels. Le congrès nous rassemble tous une fois tous les six ans, dans une logique de secteur. Nous devions trouver un format plus léger, qui permette aux membres du Cipac de se voir plus souvent et surtout de travailler sur le plan politique, en invitant des élus et des membres de la haute administration pour échanger avec eux sur nos besoins et nos forces. C’est pourquoi les assises auront lieu désormais tous les ans. Enfin, elles doivent être le lieu d’une réflexion sur un point fondamental et encore sous-estimé, neuf mois après la loi NOTRe : l’articulation entre les différents échelons territoriaux et celui national dans la construction de la politique culturelle. Paradoxalement, notre faible structuration peut se transformer en avantage, à l’heure où il s’agit de définir les nouvelles modalités des relations entre collectivités, État et secteur professionnel.

Le Cipac est reconnu par ses pairs dans sa fonction de boîte à outils : des fiches pratiques et des contrats types pour les productions d’œuvres ou les résidences d’artistes (lire le JdA no 463, 16 septembre 2016). Pourtant, vos membres sont des petites structures qui souffrent d’une professionnalisation qui peut rimer avec bureaucratie. Comment l’éviter ?
Nous sommes au cœur de la question de la structuration qui légitime notre organisation et ces assises. Si nous avions une convention collective qui harmonise pour tous nos métiers les conditions de travail, nous ne serions pas obligés de contractualiser lors de chaque nouvelle collaboration.

Quels étaient vos objectifs pour ces assises ? Sont-ils atteints ?
D’abord, nous réunissons des profils divers, des métiers différents et des sensibilités parfois opposées sur des questions clés de notre secteur. Réunir tous les professionnels dans une logique de coopération et de concertation est l’objectif principal, et il est atteint. Lors de la préparation de ce rendez-vous, des collèges de compétences se sont formés pour la première fois. Ils augurent d’un souci de compromis et d’efficacité prometteur. À terme, ces assises doivent être une des fondations pour la création d’une convention collective des arts visuels. Une convention que la loi LCAP [relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine] n’a pas souhaité entreprendre, mais que les décrets annoncés pour la fin de l’année devraient aborder. Le grand plan national pour les arts plastiques doit être un sujet de campagne pour 2017.

Légende photo

Les assises de la CIPAC, organisées à Paris le 12 septembre. © CIPAC.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Le Cipac gagne en légitimité publique

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