Document essentiel au marché de l’art, le certificat d’authenticité peut être rédigé par différents acteurs, dont la qualité respective influe sur la garantie apportée et sur une responsabilité en cas d’expertise défaillante.
L’authenticité, envisagée comme l’ensemble des qualités incontestées d’un objet, est souvent affirmée en raison de l’intimité, charnelle ou intellectuelle, entretenue avec l’œuvre et son auteur. Elle l’est également au regard du pedigree de l’objet, permettant de tracer la généalogie de ses différentes aliénations, recensions ou expositions. L’authenticité réside ainsi à la fois dans la matérialité de l’objet et dans le crédit porté par les différents acteurs du monde de l’art à ses certificateurs. Les qualités envisagées, de l’origine aux matériaux employés, d’une datation à un historique, constituent donc le produit d’une chaîne de valeurs, de crédits, faisant à un instant donné consensus. Et l’autorité d’un tel consensus dépend essentiellement de la reconnaissance accordée à l’expert par ses pairs et des connaissances acquises au moment de la certification. En atteste la révision de l’œuvre du Caravage à l’orée du XXe siècle, bataille rangée d’illustres historiens de l’art fourbissant leurs armes méthodologiques afin de parvenir à un corpus se voulant définitif. Récemment, le « Rembrandt Research Project », abandonné en 2011, a défait nombre d’attributions en recourant à l’expertise scientifique des œuvres. L’authenticité revêt ainsi un caractère nécessairement contingent. Néanmoins, son affirmation sans réserve dans le cadre d’un certificat d’authenticité peut emporter la responsabilité de son auteur en raison de son influence sur la psychologie des parties à une vente.
Le certificat d’authenticité ne revêt aucune définition légale et peut épouser différentes formes, depuis une photographie signée de l’œuvre sur laquelle sera apposée l’authentification jusqu’à un document plus formel pouvant décrire le sujet, indiquer les dimensions de l’œuvre, sa date de réalisation et son pedigree. Une jurisprudence abondante en a précisé les contours et la portée. Ainsi, à l’occasion d’un procès portant sur des œuvres de Volti, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a retenu, le 19 septembre 2013, que « l’objet d’un tel certificat qui ne comporte aucun caractère obligatoire, certaines œuvres étant vendues sans certificat, est d’attester de l’authenticité de l’œuvre cédée » et souligner qu’« à ce titre ce document est précieux dans le commerce des œuvres d’art ». Le tribunal énonce, par ailleurs, que « le certificat d’authenticité est délivré par l’artiste, ses ayants droit ou un expert, lesquels doivent tenir un registre répertoriant l’ensemble des œuvres pour lesquelles ils ont émis un certificat […]. La réalité de l’usage consistant à n’établir qu’un certificat pour chaque œuvre d’art est solidement établie ». Une trilogie d’acteurs pouvant procéder à l’affirmation de l’authenticité d’une œuvre est ainsi consacrée.
L’autorité de l’artiste
Créateur de l’œuvre, l’artiste possède une autorité de fait sur l’authentification de l’objet qui lui est soumis, autorité à laquelle s’ajoute son droit moral lui accordant la faculté de reconnaître ou non sa paternité. L’importance de l’autorité artistique a été très tôt reconnue par la jurisprudence. La cour d’appel de Paris rappelait déjà en 1976 que, « du vivant de Poussin, il existait quantité de faux vendus sous son nom et qu’il était prudent pour les acquéreurs d’aller lui montrer leurs œuvres pour qu’il en garantisse l’authenticité ». Le refus opposé par un artiste de délivrer un certificat semble difficilement pouvoir engager sa responsabilité dès lors qu’il a procédé à un examen attentif de l’œuvre. En revanche, l’authenticité de l’œuvre pourra être judiciairement reconnue ou amendée, malgré la réticence de l’artiste. Le certificat établi tardivement par l’artiste ne présente ainsi qu’une garantie relative.
L’intervention des ayants droit de l’artiste peut être fondée soit sur leur droit de faire saisir les faux, soit au regard du droit moral hérité, soit encore au regard de leur qualité d’expert spécialiste. Le refus de délivrer un certificat, en qualité de titulaire du droit moral de l’artiste, peut être condamné dès lors qu’il se révèle abusif, preuve particulièrement délicate à rapporter. En revanche, il ne peut être exigé de leur part, même judiciairement, de délivrer un certificat contre leur volonté. Quant à la force probante de tels certificats, la jurisprudence est prudente et suggère en filigrane le recours nécessaire à d’autres éléments garantissant l’authenticité. Un arrêt de la Cour de cassation releva, en 1995, que les certificats établis par le fils de Jean Fautrier étaient insuffisants pour établir l’authenticité de trois œuvres. Déjà, une proposition de loi, déposée par Henri Cavaillet en 1971, révélait une profonde méfiance, puisque l’article premier proposait que « tout certificat d’authenticité relatif à une œuvre artistique, hormis les certificats délivrés par l’auteur personnellement de son vivant, ne peut être donné par les ayants droit sans l’assentiment constaté par écrit sur le certificat d’un expert agréé, et ce à peine de nullité dudit certificat, et de la vente subséquente ». Jamais adoptée, la proposition n’en reste pas moins, en certains cas, actuelle. En réalité, la délivrance par un héritier d’un certificat s’apprécie avant tout comme une renonciation à exercer une action en contrefaçon, action empêchant la vente de l’œuvre.
Le comité d’experts
La constitution d’un comité, regroupant ayants droit et experts, bénéficiant des archives de l’artiste, permet de pallier cette difficulté. En outre, la décision d’adouber ou non l’œuvre étudiée du sceau de l’authenticité étant collective, l’éventuelle responsabilité sera partagée. Certains comités imposent, de manière très contestable, une renonciation a priori à toute action judiciaire de la part du propriétaire soumettant à avis une œuvre. Enfin, la valeur de leurs certificats supplante celle des certificats délivrés par un seul expert. La Cour de cassation a ainsi retenu, en 2003, qu’« il ne saurait être reproché à une société de ventes volontaires de refuser de mettre en œuvre une œuvre sans un certificat d’authenticité émanant de l’association pour la protection de l’œuvre du sculpteur ».
Quant à l’expert spécialiste, la cour d’appel de Paris a posé, le 22 mars 2005, le principe selon lequel, « dès lors qu’il n’existe aucune réglementation » de l’activité d’expert, « celui qui certifie sans réserve l’authenticité d’une œuvre d’art, qu’il se prétende expert ou pas, engage sa responsabilité sur cette seule affirmation ». La qualité de l’auteur n’influence nullement sa responsabilité. Cette solution fut reprise par le TGI de Nanterre, le 23 mai 2013, écartant l’argument de Werner Spies selon lequel il ne serait qu’un historien de l’art et non un expert. Le tribunal concluant que « dès lors que l’expert savait que son écrit serait déterminant pour attribuer l’œuvre à Max Ernst et induirait une majoration considérable de sa valeur marchande », il avait choisi « délibérément d’engager sa responsabilité ». En effet, le premier critère de la responsabilité réside dans la rédaction du certificat en vue d’une vente. Le second critère est lié aux termes utilisés au sein du certificat. Si le certificat affirme l’authenticité, son rédacteur en garantit la portée et a vocation à engager sa responsabilité en cas de défaillance. En revanche, si le certificat ne consiste qu’en un simple avis comportant des réserves ou rédigé sous la forme dubitative, l’expert pourra se dégager de toute responsabilité.
La discontinuité du support physique de certaines œuvres d’art contemporain a amené la pratique artistique à se saisir des certificats d’authenticité afin d’y insérer les instructions présidant à leur exécution et les conditions de leur présentation. L’artiste Sol LeWitt y avait ainsi recours pour ses « Wall drawings », dont la cession est accompagnée d’un certificat et d’un diagramme représentant l’œuvre en deux dimensions. Le site britannique The Telegraph révélait cet été un conflit opposant Damien Hirst aux nouveaux propriétaires d’une demeure au sein de laquelle l’artiste avait réalisé en 1988 Bombay Mix, l’une de ses premières « Spot Paintings ». Selon l’atelier de l’artiste, l’œuvre aurait dû être repeinte lors de la vente de la maison et une nouvelle version réalisée à la demande du propriétaire originaire. Or, les actuels propriétaires, après avoir fait déposer l’œuvre et tenté de la vendre, exigent l’obtention d’un certificat d’authenticité, ce à quoi se refuse l’atelier, arguant du fait que le certificat garantit également la propriété de l’œuvre.
Daniel Buren utilise lui aussi le cadre du certificat en y insérant des dispositions contractuelles, sous la forme d’un « avertissement », lui permettant de contrôler le devenir de sa création. La violation de l’avertissement faisant perdre à l’œuvre sa valeur artistique, Buren refuse alors de l’authentifier. Mais le droit des contrats peine parfois à saisir un tel processus artistique, à l’image de la jurisprudence Spoerri, la Cour de cassation ayant jugé sur le fondement de l’erreur et du décret Marcus du 3 mars 1981 que l’œuvre Mon petit déjeuner : 1972 ne pouvait être présentée aux enchères comme ayant été réalisée par l’artiste, faute pour celui-ci d’avoir participé à l’exécution matérielle de l’œuvre. Un « brevet de garantie », certificat d’authenticité, accompagnait pourtant l’objet.
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Le certificat d’authenticité et son auteur
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Abonnez-vous dès 1 €Antoniucci Volti, Femme assise, bronze à patine brune cachet de fondeur, signé et numéroté 2/6, 19 cm. © SVV Millon, Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Le certificat d’authenticité et son auteur