Redécouvertes et sang neuf

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2014 - 779 mots

Les 38 installations d’artistes établis (secteur « Feature ») ou émergents (« Statements ») s’annoncent plus éloquentes que l’an dernier, donnant au visiteur l’occasion d’entrer dans de véritables projets.

Bien que le premier soit consacré à des artistes bien établis ou redécouverts, le second à la création la plus émergente, les secteurs « Feature » et « Statements », comptant respectivement 24 et 14 participants cette année, se présentent tous deux comme de véritables projets « curatés », sous la forme souvent d’une installation ou d’un ensemble d’œuvres fonctionnant comme un tout. Si l’on y fait de belles rencontres, des désillusions sont parfois au rendez-vous : le cru 2013 de « Statements » s’était par exemple montré particulièrement indigent. L’édition 2014 d’Art Basel pourrait être l’occasion de rectifier le tir, plusieurs propositions retenant d’ores et déjà l’attention. Avec deux tiers de participants exposant pour la première fois (9 sur 14), « Statements » dévoilera du sang neuf.
Parmi les impétrants, la galerie Labor (Mexico) s’arrime à Bâle avec un projet du Mexicain Jorge Satorre, qui de longue date travaille à défier les discours hégémoniques par l’analyse des versions non officielles de l’Histoire. L’artiste s’intéressera ici à la collection préhispanique d’un musée mexicain dont les objets proviennent de dons locaux et sur lesquels l’État, qui ne soutient pas financièrement l’institution, appose sa propre lecture historiographique.

Société (Berlin) propose une installation vidéo multicanal de Trisha Baga produite spécialement pour l’occasion – la participation de la jeune Américaine à la dernière Biennale de Lyon, au travers d’une constellation de films en 3D, avait fait merveille. De son  côté, Bureau (NewYork) expose Ellie Ga avec une installation centrée sur Measuring the Circle, une vidéo prenant pour objet le phare disparu dans le port d’Alexandrie. De là, l’artiste dérive de la géométrie de l’édifice perdu vers un autre type de voyage à travers une production de dessins, géométriques eux aussi. Films et voyage sont également au programme de RaebervonStenglin (Zurich) avec le duo composé de Taiyo Onorato et Nico Krebs et deux films 16 mm évoquant leur voyage vers l’est, de Zurich à Oulan-Bator, en Mongolie.

Ateliers d’artiste
Une autre forme d’exotisme est à voir sur le stand d’American Contemporary (New York) avec le projet Lonely Loricariidae de David Brooks, soit une installation composée d’aquariums. Y est pointée la pratique de l’exportation des poissons tropicaux menacés et l’impact de cette pêche sur l’équilibre des territoires amazoniens. Chez PSM (Berlin), c’est la performance qui aura droit de cité avec l’Allemand Christian Falsnaes : Justified Beliefs (2014) se présente comme une installation où spectateurs et acteurs se voient reliés par des écouteurs à travers lesquels une représentation est donnée en temps réel.

Du côté des valeurs établies et/ou historiques de la section « Feature », Lorcan O’Neill (Rome) dévoile une part de l’univers décalé de Luigi Ontani, fait d’hybridations souvent théâtrales convoquant l’histoire de l’art et différentes cultures du monde. Situé diamétralement à l’opposé, tant esthétiquement que conceptuellement, Art & Language occupera les cimaises de Kadel Willborn (Düsseldorf) avec une installation fondée sur leur collaboration débutée en 1974 avec le groupe de rock Red Krayola. Outre une participation commune à des performances, ils ont écrit des textes et créé les pochettes de divers albums du groupe. Inspirées par ces collaborations, des collages textuels sont présentés à Bâle ainsi qu’une installation sous la forme d’un karaoké dont les chansons sont des « portraits » de cinq personnalités américaines populaires, de George W. Bush à Ad Reinhardt en passant par John Wayne.

Julio Le Parc sera à l’honneur chez Bugada & Cargnel (Paris) avec une série de travaux historiques rappelant l’éventail de sa pratique, depuis des peintures abstraites géométriques des années 1960 jusqu’aux compositions mobiles explorant le mouvement et l’instabilité et pièces mécaniques focalisées sur des jeux de lumière.

Fort peu visible en Europe, T. Kelly Mason est lui au menu de Cherry and Martin (Los Angeles) avec, au mur, des caissons lumineux dépeignant, au travers de collages réalisés à l’aide de gels lumineux utilisés dans l’animation, les ateliers de Francis Bacon, Robert Ryman et Giorgio Morandi : manière de pointer le fétichisme et la fascination souvent attachés aux ateliers d’artistes.

Alors que Raffaella Cortese (Milan) orchestre un dialogue entre Ana Mendieta et Martha Rosler, MOT International (Londres) exposera une œuvre (photographique et vidéographique) séminale de Dennis Oppenheim, Whirlpool (1973), dans laquelle l’artiste utilisa la traînée blanche émise par un avion pour dessiner une tornade dans le ciel. Tandis que chez P.P.O.W. (New York) est donné à voir un aperçu de l’art engagé de David Wojnarowicz, qui dénonça sans relâche tant les abus du pouvoir que le nationalisme aveugle, l’homophobie et les ravages du sida ou la pauvreté.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°415 du 6 juin 2014, avec le titre suivant : Redécouvertes et sang neuf

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