De Houston à New York, l’architecte italien multiplie et enchaîne ses créations de musées aux États-Unis.
ETATS-UNIS - Renzo Piano semble apprécier les États-Unis, et plus particulièrement le Texas, l’État de l’étoile solitaire. Avec la régularité d’un métronome, la star de l’architecture italienne y plante chaque décennie un projet. Après le Musée d’art moderne et contemporain de la Ménil Collection (1986) et la galerie Cy Twombly (1995), tous deux à Houston, puis le Nasher Sculpture Center (2003), à Dallas, le maestro génois inaugure le 27 novembre, un jour avant Thanksgiving, l’extension du Kimbell Art Museum (KAM) de Fort Worth et ce énième opus en terre texane résonne de manière particulière. La raison ? Cette aile flambant neuve déjà baptisée Piano Pavilion est, en effet, construite à une soixantaine de mètres à peine – « Ni trop près, ni trop loin, juste assez proche pour une conversation », dixit Piano – du KAM première mouture, autrement dit de cet édifice mythique de l’architecture du XXe siècle signé, en 1972, par Louis Kahn. Entouré d’ormes et de chênes rouges, le Piano Pavilion, composé de deux ailes parallèles reliées par deux galeries de verre, est semblable, du point de vue du gabarit, à celui de Kahn – 91,50 m de long sur 25 m de large et 6,70 m de haut – et déploie au total 7 595 m2, dont 1 505 m2 d’espaces d’exposition. Coût des travaux : 135 millions de dollars (99 millions d’euros). L’un des « clous » du projet est cette toiture constituée de 29 paires de poutres en pin Douglas de 30 mètres de long, pesant 435 tonnes et accueillant, selon le KAM, « l’un des systèmes de toiture les plus sophistiqués conçus par Renzo Piano ». Sans doute l’agence Renzo Piano Building Workshop (RPBW) aura-t-elle, ici, tiré les leçons d’un autre projet duquel ses commanditaires ne sont pas entièrement satisfaits, en l’occurrence la Modern Wing du Chicago Art Institute, inaugurée en 2009 (lire ci-dessous).
Une contribution au prestige de Harvard
Outre le KAM, le cabinet d’architecture italien est à l’œuvre sur deux autres fronts muséaux. Il devrait ainsi livrer les Harvard Art Museums (HAM), à Cambridge, en novembre 2014, soit un an plus tard que prévu suite à « des complications dans la construction », comme annoncé, dès mai 2012, par l’université de Harvard et ainsi que le rappelle le quotidien The Boston Globe dans son édition du 13 septembre 2013. Ce que nuance Elisabetta Trezzani, Senior Partner chez RPBW, à la tête, avec Mark Carroll, de l’équipe en charge de l’extension et de la rénovation des HAM, ainsi que du nouveau Whitney Museum, à New York : « La date initialement estimée était basée sur ce que nous connaissions alors des bâtiments, explique-t-elle. Or, lors des travaux, un délai supplémentaire s’est avéré nécessaire pour soigneusement renforcer la structure de l’édifice original. En outre, nous avons découvert un état existant inconnu, comme la présence d’amiante, ce qui a aussi retardé l’échéance ». Ce chantier, qui comprend à la fois démolition, rénovation et extension, consiste en une réorganisation complète des trois musées d’art – Fogg, Busch-Reisinger et Sackler – de la célèbre université de Harvard. La nouvelle institution – 18 500 m2 – sera entièrement centrée autour de la cour historique du Fogg Art Museum. Coût des travaux : 350 millions de dollars (258 millions d’euros).
Le second grand projet sur les rails n’est autre que le nouveau bâtiment du Whitney Museum of American Art, à New York, qui devrait ouvrir au printemps 2015. Situé sur Gansevoort Street, entre Washington Street et l’Hudson River, cet édifice offrira une superficie de 20 500 m2, dont plus de 4 600 m2 d’espaces d’exposition intérieurs et 1 200 m2 d’espaces d’exposition extérieurs, soit près du double des salles d’exposition de l’actuel Whitney Museum construit en 1966 par Marcel Breuer sur Madison Avenue et totalisant 3 000 m2, le tout pour une collection qui s’est considérablement enrichie, passant de 2 000 œuvres à l’origine à 20 000 aujourd’hui. Coût des travaux : 422 millions de dollars (312 millions d’euros).
L’architecture est un art et le directeur du Whitney Museum, Adam Weinberg, en convient : « Je pensais que Piano allait ouvrir le musée sur la rivière Hudson et sa vue spectaculaire, raconte-t-il. Or, il m’a fait descendre au pied du bâtiment, une façade en plein vent et où passe, dans un bruit assourdissant, le flot continu de voitures de la West Side Highway. “Serait-ce de ce côté que tu veux ouvrir ton musée ?”, m’a-t-il demandé… J’ai aussitôt compris ». À contrario, Piano a donc « fermé » hermétiquement mais non visuellement le musée côté Hudson River et, à l’inverse, l’a ouvert amplement côté New York, avec des espaces d’exposition extérieurs en gradin. « C’est comme si cette cascade de terrasses donnait un coup de chapeau à la ville, plutôt que de lui tourner le dos : c’est autrement mieux joué ! », résume Adam Weinberg.
Dans cet environnement d’anciens abattoirs et entrepôts reconvertis en galeries d’art du célèbre quartier de Meatpacking, le nouveau Whitney fait le caméléon : « C’est l’allure la plus industrielle que nous ayons imaginée pour un musée, assure Elisabetta Trezzani. L’idée de Renzo était d’avoir, grâce à un rez-de-chaussée complètement transparent, un bâtiment qui plane au-dessus du sol ».
En cette fin d’année 2013, sont en train d’être posés les derniers panneaux de façade. « Après cette opération s’enchaînera une période de dix mois consacrée à la muséographie », précise Elisabetta Trezzani. « Lors de ses premières esquisses, se souvient l’associée de Piano, Renzo s’est rappelé cette phrase de la collectionneuse Dominique de Ménil : “Un musée est un endroit où l’on doit se perdre, non pas physiquement, mais émotionnellement.” » Ne reste plus qu’à patienter jusqu’au printemps 2015 pour juger de quelle nature sera ladite « perdition ».
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Le rêve américain de Renzo Piano
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Le rêve américain de Renzo Piano