Rapport

Dix mesures pour soutenir le design

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2013 - 860 mots

Le rapport d’Alain Cadix formule plusieurs mesures pour que la France intègre davantage le design dans sa culture.

PARIS - Le design est à la traîne en France, depuis de nombreuses années. Deux ministères, celui du Redressement productif et celui de la Culture et de la Communication, ont donc, cette année, décidé d’employer les grands moyens pour « faire de la France le pays du design ». Au printemps dernier, ils ont mis en place une « Mission design » chargée de proposer des mesures pour combler, sinon réduire, son retard. Mardi 15 octobre, au Palais de Tokyo, à Paris, celle-ci a remis, à l’occasion de la deuxième édition du Rendez-vous du design, un rapport intitulé Pour une politique nationale de design qui répertorie les « dix actions clés à mettre en œuvre au plus vite ». Pour le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, lyrique : « Le design doit entrer par toutes les portes et les fenêtres de la Maison France. Il faut qu’il soit une évidence culturelle et non plus une politique ». Idem pour Aurélie Filippetti, ministre de la Culture : « Il n’y aura pas de redressement productif sans redressement créatif ». Bref, comme le résume Fleur Pellerin, ministre chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique, « il s’agit là d’une petite révolution ».

Force est de constater qu’un tel branle-bas de combat quant à l’approche du design dans l’Hexagone est une première. On se souvient que le dernier et désormais défunt Plan d’action en faveur du design daté janvier 2012 n’avait alors été concocté que par le seul Éric Besson, ministre de l’Industrie, sans son collègue de la Culture, Frédéric Mitterrand.

Une éducation au design
Alain Cadix, administrateur délégué du Centre Michel Serres et chargé de cette Mission Design, a donc détaillé dix mesures pour faire entrer davantage le design dans les mœurs des Français. À commencer par la mise en place, dès l’école primaire, d’« actions spécifiques d’éveil au design des objets » et, pour les plus grands, par un « renforcement du potentiel des écoles de design ». Dans les universités et autres établissements à composante technologique, l’idée est de créer des Plateformes Roger Tallon – du nom du père des Corail et des premiers TGV –, « placées à l’articulation de la recherche technologique, du design et de l’ingénierie ». En outre, la recherche appliquée en design serait « augmentée, à travers des contrats doctoraux et postdoctoraux ».
Côté industrie, dans un pays dominé par l’ingénierie, la volonté est de redonner une lisibilité au design. Premier axe (une évidence, non ?) : la « mobilisation générale et coordonnée de tous les acteurs sur le terrain », tels l’Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI), à Paris, ou la Cité du design, à Saint-Étienne. Le statut même de designer indépendant serait appelé à évoluer, Aurélie Filippetti étudiant ainsi son rattachement « au régime de protection sociale des artistes-auteurs ». Le rapport préconise également d’introduire dans les appels à projets de recherche et/ou d’innovation venant du secteur public « la dimension “usages et design” ». Autrement dit, et c’est un pas en avant : l’innovation ne sera plus uniquement technologique. Enfin, des designers iront en résidence dans des pôles de compétitivité – Arnaud Montebourg prévoit d’en pourvoir dix en 2014 –, ce que Fleur Pellerin appelle déjà « des Villas Médicis industrielles ».

20% de crédit d’impôt
Côté financement, les aides à l’innovation apportées par la Banque publique d’investissement (Bpifrance) devront désormais « intégrer les dépenses de design ». Le rapport revendique, par ailleurs, la reconnaissance du design dans le Programme des investissements d’avenir (PIA), afin d’obtenir une dotation dédiée. Mais la mesure-phare est, à n’en point douter, le « crédit d’impôt recherche-volet innovation », déjà en activité – la circulaire a paru au Bulletin officiel des finances publiques-Impôts, il y a quelques jours à peine. En clair : « Les dépenses de design sont désormais éligibles au crédit d’impôt, explique Arnaud Montebourg. Ainsi, les PME qui engagent des dépenses de design jusqu’à 400 000 euros peuvent recevoir un crédit d’impôt de 20% ». Bref, « ce sont des couples en nombre que nous devons former, sourit le ministre du Redressement productif : la fabrication de ces couples entrepreneur/designer, j’appelle cela le “Meetic du design” ».  La dernière mesure, enfin, est le nerf de la guerre : la création d’une fondation pour le design mêlant fonds publics et, si possible, contributions privées, laquelle sera chargée de financer cette ambitieuse « Politique nationale de design ».

Un regret pourtant : la dimension artistique du design a été quelque peu délaissée au profit de la dimension industrielle. D’où, sans doute, cette idée bien étrange proposée par Aurélie Filippetti de montrer les collections de design nationales sur tout le territoire : « La création d’une plateforme permanente, un système d’exposition mobile comme une péniche. Nous avons le premier réseau navigable d’Europe », omettant, au passage, les conditions drastiques que requiert l’exposition des pièces. Bref, le débat est ouvert. Un prochain Rendez-vous du design est programmé au printemps 2014 et Alain Cadix a déjà prévu d’ajouter un addendum à ce premier rapport.

Légende photo

Arnaud Montebourg, Alain Cadix et Aurélie Filippetti, lors du Rendez-vous Design #2, au Palais de Tokyo, le 15 octobre 2013 © Photo : MCC/Jean-Philippe Somme.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°400 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Dix mesures pour soutenir le design

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