Patrizia Nitti explique son rôle de directrice artistique du Musée Maillol et commente l’actualité en France et en Italie.
Petite-fille du dernier président du Conseil italien (qui s’est réfugié à Paris de 1924 à 1948) avant Mussolini, Patrizia Nitti, après des études artistiques, a d’abord travaillé dans la finance à Rome avant d’être appelée en 1986 pour valoriser le site de Pompéi. Jusqu’en 1999, elle organise des expositions en Italie et à l’international. En 1999, elle est chargée par le président du Sénat des expositions « Renaissance » du Musée du Luxembourg, avant d’en être congédiée en 2008, entraînant plusieurs procédures judiciaires toujours en cours. Depuis 2009, elle est responsable des expositions temporaires du Musée Maillol à Paris.
Quelle est votre fonction au Musée Maillol ?
Tout comme au Sénat, j’y interviens à double titre. Je suis directeur artistique et producteur des expositions. C’est un mode de fonctionnement de plus en plus adopté par des institutions en France et à l’étranger. Au Musée Maillol, lorsque les expositions sont bénéficiaires, la production reverse des royalties à la Fondation Dina Vierny, ce qui permet de financer des travaux. Nous avons ainsi, en accord avec Olivier Lorquin, président de la Fondation, réaménagé nos salles d’expositions temporaires, dont la surface atteint 1 200 m². À titre de comparaison, la superficie des salles d’exposition du Musée du Luxembourg est de 630 m² ; celle du Musée Jacquemart-André, de 300 m². Je mets en œuvre tout ce que j’ai appris au cours de ma carrière, mon ambition est de participer à la pérennisation de ce lieu.
Vous avez été congédiée du Sénat en 2008 ; où en sont les procédures judiciaires avec le Sénat et Sylvestre Verger Art Organisation ?
Je ne peux parler des procédures en cours, d’autant qu’un juge d’instruction est saisi. Mon métier, c’est d’organiser des expositions, pas des procès.
La presse, dont le JdA, a contesté des attributions à Canaletto lors de l’exposition du Musée Maillol à l’automne 2012. Pourquoi n’avoir pas joué la transparence quand il y avait débat ?
Nous en aurions débattu avec le plus grand intérêt, si nous y avions été invités. Les attributions sont le fruit d’un long travail. Charles Beddington, lors de son exposition Canaletto à la National Gallery de Londres [en 2010], avait été lui aussi sérieusement malmené par la presse sur des attributions. Nous
avions un comité scientifique, présidé dans les faits par le professeur Lionello Puppi, éminent spécialiste internationalement reconnu. Seul auteur vivant d’une monographie de l’œuvre complète de Canaletto, il n’a, contrairement à d’autres spécialistes en la matière, aucun conflit d’intérêt commercial. Nous avons fait confiance à ses attributions et personne à ce jour n’a démissionné. Charles Beddington, qui avait accepté d’être co-commissaire, n’a plus répondu à nos nombreux échanges à un certain moment, disant être empêché par de graves problèmes personnels. Il ne figure donc pas comme tel dans le catalogue, mais comme membre du comité duquel il n’a jamais démissionné.
Quels sont précisément vos rapports dont vous vous prévalez avec les musées italiens ?
J’entretiens avec eux une relation de confiance, fruit d’un travail commun depuis 1986. Nous avons fait ensemble des expériences magnifiques et parfois difficiles. Je connais leur excellence et leurs difficultés. Je privilégie toujours la recherche de ses plus éminents spécialistes. Le comité scientifique permanent du Musée Maillol est celui que j’avais monté au Sénat, et qui m’a suivi au Musée Maillol. Il est formé notamment de surintendants des musées ou biens archéologiques (les directeurs régionaux de la culture), du directeur des musées du Vatican, et du secrétaire de la Commission pontificale pour les biens de l’Église. Ils sont pour l’État italien les meilleurs garants du choix des commissaires et de la qualité scientifique des expositions. C’est la seule raison pour laquelle les prêts souvent exceptionnels me sont accordés. Depuis mes débuts à Pompéi, j’ai été attentive à participer à la sauvegarde du patrimoine, je travaille actuellement à la constitution d’un fonds privé mondial pour la participation économique à la sauvegarde de Pompéi sur le modèle de la Fondation du Louvre, avec les représentants des plus grandes entreprises internationales et l’Unesco. J’ai souvent aidé à des restaurations d’œuvres, comme ce fut le cas pour Suzanne et les Vieillards, du Musée de Bologne, lors de l’exposition « Artemisia Gentileschi » en 2012, découverte d’un chef-d’œuvre oublié dans l’immensité des réserves des musées italiens.
Quelles sont les différences notables pour les musées entre la France et l’Italie ?
Depuis des années, les musées italiens ne reçoivent pas de subventions suffisantes pour pouvoir organiser des expositions temporaires. Celles-ci comportent un risque commercial incompatible avec leur statut. Les surintendants sont responsables civilement et pénalement de la gestion scientifique et économique de leurs biens. Ils ont une formation principalement scientifique. Ils font donc appel depuis de longues années à de grandes entreprises privées aux compétences sévèrement codifiées et reconnues par le ministère. Dans la tête des Italiens, le musée subventionné par de l’argent public est avant tout un lieu de recherche. J’ai le sentiment que certains musées français tendent actuellement à privilégier l’organisation d’expositions au détriment de la recherche, tandis que c’est l’inverse qui se produit dans les musées italiens. Ces deux modèles, face à des financements publics toujours plus réticents, devront ces prochaines années trouver leur point d’équilibre.
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Patrizia Nitti : « Mon ambition est de participer à la pérennisation de ce lieu »
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Abonnez-vous dès 1 €Patrizia Nitti. © Photo : Jean Alex Brunelle.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : Patrizia Nitti : « Mon ambition est de participer à la pérennisation de ce lieu »