La bouture asiatique a réussi son lancement avec une foire homogène en qualité et un commerce convenable. Elle révèle une production locale souvent méconnue en Occident.
Comme un air de déjà-vu… et une sensation de nouveauté à la fois. C’est l’impression laissée par la première édition d’Art Basel in Hongkong, qui, du 23 au 26 mai, a pris la relève de l’ancienne foire « ART HK ».
Le déjà-vu, c’est l’effet de marque qui, dans le milieu de l’art, inspire une certaine confiance : une identité visuelle rigoureuse, une précision dans l’organisation et l’aménagement des deux immenses niveaux dans le bâtiment du Hong Kong Convention and Exhibition Centre, sur lesquels se répartissaient les 245 galeries venues du monde entier. Selon Henrietta Tsui, de la galerie Ora-Ora (Hongkong), « le marché local est très étroit, mais la marque “Art Basel” encourage beaucoup plus de collectionneurs à venir, c’est pour nous un défi car nous devons nous améliorer ». Avec quatre participations au compteur, Neil Dundas, directeur de Goodman Gallery (Le Cap, Johannesbourg), relevait, lui, que « cette année la foire a belle allure et fait montre d’un meilleur “management”, plus professionnel, avec des structures d’accueil et de support renouvelées, ce qui implique de meilleures parois sur les stands par exemple ».
Accrochage au cordeau
La foire avait en effet belle allure, avec un niveau global des plus honorables, même si apparaissait patent le tâtonnement des galeries occidentales sur un terrain encore méconnu et difficile à aborder, tant sur le plan du goût que commercialement. Cela se ressentait sur les stands par des accrochages au cordeau d’où rien ne dépassait, avec des œuvres de qualité mais pas de chefs-d’œuvre, ces derniers étant réservés pour Bâle. Quelques curiosités étaient à glaner, comme les abstractions d’Eduardo Stupía chez Jorge Mara-La Ruche (Buenos Aires) ou les travaux en collaboration réunissant deux artistes que tout semble opposer visuellement, Navid Nuur et Adrian Ghenie, proposés par Plan B (Cluj, Berlin). Ou encore le florilège d’art moderne indien offert par la Delhi Art Gallery (New Delhi).
L’amateur ne pouvait toutefois pas échapper à quelques déballages relevant du fourre-tout navrant, comme chez Marlborough (Londres).
Notables étaient également certains effets de mode. Ainsi, la cote de Jean-Michel Basquiat étant au plus haut, beaucoup raclent désormais les « fonds de réserves » et quelques toiles parmi ses plus mauvaises ont fleuri sur le salon, en particulier chez Van de Weghe (New York) et Kukje (Séoul), qui exhibait fièrement un grand tableau indigne.
Si un léger grain de folie manquait tout de même à l’ensemble, l’une des qualités de cette foire, et non des moindres, est d’obliger à regarder différemment et à modifier ses critères. Car avec plus de 50 % d’exposants en provenance de la région, l’événement ne peut être abordé sans déplacer un peu le curseur de l’œil occidental, ne serait-ce qu’en raison du vocabulaire de certains artistes asiatiques, qui nous est parfois étranger et peut déconcerter. Le regroupement, au centre des deux niveaux, des enseignes régionales qui offraient des projets dédiés – formant la section « Insights » – a permis ainsi de faire des découvertes percutantes. Mais surtout de contrer la méconnaissance et de dépasser les clichés attachés à l’art asiatique et chinois en particulier. L’on prend conscience alors que ce qui en est donné à voir en Occident, et notamment ses occurrences les plus « baroques », ne représente pas, loin s’en faut, la totalité de la production.
Parmi les plus de 60 000 visiteurs du salon, les collectionneurs avaient fait le déplacement en nombre, venus non des États-Unis mais d’Europe et d’Australie, et bien entendu de la région. Malaisiens, Chinois, Thaïlandais, Indonésiens, Philippins… se sont rejoints dans ce carrefour d’accès aisé qu’est Hongkong. Néanmoins, et même si des ventes solides ont été enregistrées, Hongkong n’apparaît pas – encore – comme un eldorado pour le monde de l’art, un royaume de l’argent facile. Les affaires ne s’y font pas en un claquement de doigts. Si une minorité de marchands ont rapporté une expérience décevante, leur grande majorité a pointé l’endurance nécessaire pour s’adapter à ce nouveau marché. Ainsi que le relevait le directeur d’une grande enseigne occidentale, « les collectionneurs mettent ici plus de temps à se décider. Tout est lent mais des choses se produisent. C’est inhabituel pour nous, nous devons nous adapter. La foire se développe dans une bonne voie, mais cela prendra probablement encore cinq ans. » Hongkong ou l’expérience de la durée !
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Hongkong Art Basel prend son temps
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°393 du 7 juin 2013, avec le titre suivant : Hongkong Art Basel prend son temps