Frieze a trouvé sa vitesse de croisière dès la seconde édition, sans toutefois avoir fait le plein des visiteurs et des ventes.
NEW YORK - Paul McCarthy n’en est pas sa première facétie, mais cette dernière en date fera certainement jaser un moment encore : installé face à l’entrée de Frieze New York, un gigantesque Balloon Dog d’une vingtaine de mètres de haut, véritablement gonflable celui-là, singeait sans ménagement celui de Jeff Koons dans une version plus sexualisée. Ce, alors même que Koons faisait l’actualité avec deux expositions « downtown » chez les compétiteurs Gagosian et David Zwirner, et que le californien inaugurait à Chelsea le nouveau méga espace de sa galerie, Hauser & Wirth. Ainsi va le milieu de l’art en ce moment, gonflé à bloc par un dopage aux superlatifs qui paraît devoir être sans fin.
Une île pour écrin
Pendant ce temps-là, la foire qui s’est tenue du 10 au 13 mai semblait elle aussi décidée à bomber le torse, non sans succès. Installée dans le Randall’s Island Park, très au nord de New York et nécessitant un long trajet en bus ou en bateau afin de s’y rendre, la manifestation importée de Londres affichait pour sa seconde édition un profil déjà mature et semble avoir trouvé ses marques et son rythme. Même si, sans doute conséquence de l’éloignement du centre-ville, d’aucuns trouvaient la fréquentation un peu faible une fois passé le vernissage, mais nettement meilleure qu’en 2012 toutefois. De l’avis général, les affaires semblaient entre deux eaux, ni mauvaises ni fantastiques, alors que certains, à l’instar de Franco Noero (Turin) qui exposait notamment une œuvre sonore de Darren Bader et une très belle pièce en tissu de Gabriel Kuri, affichaient une mine réjouie ; ce dernier reportant « la présence de très bons acheteurs et d’un bon niveau d’affaires, avec des ventes effectuées auprès de collectionneurs fidèles mais aussi deux nouveaux clients européens. » Reste à savoir si la relative retenue dans les transactions relève d’un attentisme consécutif à un calendrier des salons trop encombré ou d’un ralentissement plus général des achats ?
Le lieu n’était pas pour rien dans le beau visage de la foire, avec une très longue tente serpentant dans le parc, aux parois ouvertes sur l’extérieur offrant un boulevard à la lumière, et des espaces larges et aérés. La qualité globale a fait le reste. Certes, des 180 galeries présentes, quelques-unes inutiles, pourraient sans regrets être rayées de la liste afin de réduire un tout petit peu la voilure et ménager encore le confort des visiteurs et des yeux. Ces derniers n’ont toutefois pas trop eu à souffrir, le salon offrant un profil équilibré et moins brouillon que son pendant londonien, entre noms connus, découvertes et surprises.
Chasse à l’ennui
Des surprises parfois ménagées par les « Frieze Projects » répartis ci et là, comme la reconstitution du restaurant FOOD, conçu en 1971 par Gordon Matta-Clark et Carol Goodden. Ou encore le projet de Liz Glynn, The Vault, glissé incognito entre deux stands : en fait un espace totalement anonyme et fermé nécessitant une clef à trouver quelque part sur le salon afin d’ouvrir la porte de ce qui se révélait être un bar où les serveurs, tout en préparant des cocktails, effectuaient des tours de magie ! Sur les stands également de l’inattendu, comme la proposition de Carlos Bunga qui avec un rien (du carton recouvert de couleurs) a façonné le stand d’Elba Benitez (Madrid) avec une installation à la fois spatiale, sculpturale et picturale qui semblait inviter à la retenue… face aux superlatifs ? Ou la délicatesse d’une pièce suspendue pourtant immense de Karla Black, dominant le stand de Gisela Capitain (Cologne). Notable était aussi le fait que certaines enseignes ont dédaigné la facilité en prenant des risques. Ainsi Catherine Bastide (Bruxelles) qui a fait collaborer Catherine Sullivan et Valerie Snobeck autour des écrits de l’anthropologue George M. Foster, ou The Breeder (Athènes) conviant seulement des artistes grecs avec des travaux sur papier ou interprétant le papier. Chez Krinzinger (Vienne), l’ambiance était historique, avec un accrochage centré sur la performance des années 1960 et 1970 et Thomas Krinzinger confiait « ne pas avoir tenté de satisfaire tout le monde et [vouloir] faire plus de stands “curatés” ».
Frieze New York semble s’être imposée comme une plate-forme dynamique et un acteur avec qui compter désormais sur le marché nord-américain. Le facétieux Tom Friedman a d’ailleurs parfaitement saisi le contexte, collant une pizza géante au mur de Luhring Augustine (New York). Superlatifs en effet !
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Frieze New York fait le show
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : Frieze New York fait le show