Depuis longtemps, il était reproché au KunstKompass, principal classement des artistes internationaux, de fortement surreprésenter les artistes allemands.
Signalons ainsi que, dans son édition de l’année 2011, figurent… 27 artistes allemands, soit presque autant que d’artistes américains (28), loin devant les Britanniques (12), puis les Suisses (5) et les Français (4), suivis des Autrichiens (3), puis des Italiens, des Néerlandais, des Belges, des Danois et des Canadiens (2 artistes chacun), 12 autres pays n’étant représentés que par un seul artiste. Il convient de préciser que, souvent, ces 12 artistes, qui ont conservé chacun la nationalité d’un pays très « périphérique » au monde de l’art, vivent en réalité de longue date aux États-Unis et contribuent à renforcer la scène américaine. En 2011, les Français ne pèsent que 3,9 % dans le KunstKompass, très loin derrière les États-Unis (30,4 %) et l’Allemagne (30 %), mais aussi derrière la Grande-Bretagne (10,4 %) et même la Suisse (4,5 %). Quatre artistes français apparaissent dans le palmarès : Christian Boltanski (16e), Sophie Calle (50e), Pierre Huyghe (53e) et Daniel Buren (54e).
Quel regard l’Artindex permet-il de porter sur la géopolitique de l’art contemporain et quelle place les artistes français occupent-ils dans la compétition internationale ?
Indice important de sa meilleure fiabilité, notre indicateur nous semble refléter beaucoup plus justement les grands équilibres artistiques internationaux dans le domaine de l’art contemporain. Ainsi, les artistes de nationalité américaine – auxquels il conviendrait, là encore, d’ajouter tous ceux ne possédant pas cette nationalité, mais vivant aux États-Unis – occupent, de très loin, la première place du classement des 100 artistes dans le monde, puisqu’ils sont au nombre de 35, contre « seulement »
17 artistes pour l’Allemagne. Celle-ci occupe une très confortable seconde position, mais à une distance beaucoup plus importante que dans le KunstKompass, ce qui correspond sans doute davantage à la réalité. Nettement derrière arrive le Royaume-Uni avec 8 artistes puis, à égalité, la France, la Suisse et l’Autriche avec 5 artistes chacun (devant le Japon [4 artistes], la Belgique [3 artistes], puis le Canada, les Pays-Bas et l’Italie [2 artistes chacun], et, enfin, 12 pays représentés par un artiste chacun.
Net recul de l’Italie
Calculer la part des différents pays dans le total des points réunis par les 100 premiers du classement permet de tenir compte à la fois du nombre d’artistes par pays et de leur rang. Le palmarès des pays les plus importants devient alors le suivant : États-Unis (37,1 %), loin devant l’Allemagne (18,2 %), elle-même devançant nettement la Grande-Bretagne (7,6 %) puis… l’Autriche (5 %) et la Suisse (4,9 %), lesquelles devancent la France (4,4 %). Signalons que l’Italie, qui occupait une position confortable sur la scène internationale de l’art contemporain au début des années 1970, puis qui a connu un regain de vigueur avec la Trans-avant-garde durant les années 1980, a désormais considérablement reculé, puisqu’elle ne contribue plus qu’à hauteur de 1,7 % à l’indicateur précédent. Notons enfin que les pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord concentrent à eux seuls près de… 90 % de l’indicateur (87,3 %) !
Par-delà l’idéologie très en vogue, depuis une vingtaine d’années, dans le monde de l’art contemporain, censé vivre à l’époque de la globalisation et du métissage, et même si la plupart des acteurs aiment penser que la nationalité ou même le pays de résidence n’exercent aucune influence sur les chances d’accès au succès, le monde de la consécration artistique dessiné par les données précédentes apparaît très territorialisé et fortement hiérarchisé. Relevons que si, en quelques années, les artistes chinois ont effectué une époustouflante percée sur le marché des ventes aux enchères, allant jusqu’à truster les premières places des classements (dont celui d’Artprice) établis en distinguant les plus forts produits de ventes, ils apparaissent totalement absents de l’Artindex comme du KunstKompass. Le monde de la consécration artistique en art contemporain semble, en effet, encore très fortement occidentalo-centré, tant par les détenteurs du pouvoir de labellisation que par ceux qui sont élus.
Les cinq artistes français apparaissant dans l’Artindex Monde sont Christian Boltanski (38e), Pierre Huyghe (53e), Daniel Buren (58e), Sophie Calle (73e) et François Morellet (84e). Ils occupent des positions assez basses dans le classement dont les 10 premières places sont trustées par pas moins de 5 Américains (Bruce Nauman [1er], Cindy Sherman [3e], Ed Ruscha [4e], John Baldessari [5e] et Lawrence Weiner [7e]) et 3 Allemands (Gerhard Richter [2e], Georg Baselitz [6e] et Thomas Ruff [8e]). On compte un artiste français de plus dans l’Artindex que dans le KunstKompass ; l’ordre de grandeur reste identique, mais les places dans le classement se révèlent plus basses. Si François Morellet apparaît dans le palmarès et si Pierre Huyghe se maintient (de 51e il devient 53e), ainsi que Daniel Buren (de 54e il passe 58e), Christian Boltanski et Sophie Calle reculent chacun d’une vingtaine de places (de la 16e à la 38e pour le premier, de la 50e à la 73e pour la seconde).
Les artistes français à la conquête du monde ? Rien n’est moins sûr à la lecture de nos données. Notons qu’à l’exception notable de Pierre Huyghe (50 ans), qui se situe à la moitié du classement, les autres artistes français consacrés sont nettement plus âgés (Sophie Calle a 59 ans, Daniel Buren, 74 ans, et François Morellet, 86 ans) et peinent pourtant à accéder à la première moitié du palmarès, où ne figure que Christian Boltanski (68 ans). Or la consécration au plus haut niveau est un processus qui s’inscrit généralement dans la durée…
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Le monde de l’art