Ancienne conservatrice des Musées de la Ville de Poitiers, ancienne conseillère pour les musées auprès de la DRAC Bourgogne et de l’Inspection générale des musées de France, puis, de 2001 à 2006, conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Nancy, Blandine Chavannes vient de prendre, début octobre, la direction du Musée des beaux-arts de Nantes. Elle évoque ses projets pour l’institution et commente l’actualité.
Vous venez de prendre la tête du Musée des beaux-arts de Nantes. Quelles vont être vos orientations pour le Musée et quel équilibre allez-vous trouver entre l’art ancien, le moderne et le contemporain ?
Le Musée des beaux-arts de Nantes est un musée modèle. Comme tous les grands musées « classiques », ses collections se composaient à l’origine à 50 % d’œuvres provenant des écoles françaises, à 25 % des écoles italiennes, et à 25 % des écoles nordiques. La Ville de Nantes a ensuite continué à enrichir son musée, ce qui fait que le XIXe est très riche, ainsi que le XXe et même le début du XXIe. Je voudrais mettre en place une politique qui reflète la richesse et la diversité de ces collections. Je ne veux surtout pas oublier l’art contemporain, qui sera très présent ; cela a toujours été la mission du musée. Mais il faudra aussi travailler sur les collections anciennes.
Comment va s’inscrire le Musée dans le paysage culturel de la ville, notamment par rapport au Château des ducs de Bretagne ou au Lieu unique ?
Chacun a sa personnalité, le Musée des ducs de Bretagne est un musée d’histoire. Il n’y a aucune rivalité. Je n’ai pas d’idées préconçues. Je ne souhaite pas imposer des projets, mais plutôt travailler en relation étroite avec l’ensemble des acteurs culturels de la Ville. J’ai déjà été contactée par Pierre-Jean Galdin de l’école des beaux-arts. Nous avons besoin de réserves pour le musée et, de son côté, la Ville de Nantes a de grands projets pour l’île de Nantes [territoire situé en plein cœur de l’agglomération nantaise]. Des réserves actives pourraient y voir le jour. Ces réserves seraient visitées et étudiées par des chercheurs. Cela nous permettrait de travailler avec l’école des beaux-arts qui, elle aussi, doit s’installer dans ce quartier. Nous avons déjà plusieurs pistes de travail pour le musée, mais, pour l’heure nous en sommes aux premiers contacts. Il en est de même pour les expositions : rien n’est encore décidé. Mais le musée possède un ensemble caravagesque exceptionnel et il y a beaucoup de travail à faire sur la collection moderne. Il faudrait rendre hommage à un donateur comme Gilles Fardel (XXe), et pour le XVIIIe, évoquer le fonds Cacault. Pour l’art contemporain, nous allons nous appuyer sur ce qui a déjà été fait et rouvrir la salle Blanche pour avoir des expositions légères et fréquentes sur l’art contemporain.
À l’instar de Jeff Wall qui intervient au Musée d’Orsay, tous les musées d’art ancien se mettent à l’art contemporain. Qu’est-ce que cela implique pour vous ?
Ce n’est pas du tout une nouveauté ! Je l’ai toujours fait à Nancy (pendant cinq ans) et je vais continuer ici ! Dans un musée de beaux-arts, l’art contemporain doit être présent, tout comme une des sections du musée. Nous avons eu en France, à un moment, une grande boulimie de création d’établissements pour chaque siècle, mais nous nous rendons compte aujourd’hui que c’est un peu dommage de « saucissonner » l’histoire et que toutes les choses se nourrissent les unes les autres…
Le 23 octobre, le ministre de la Culture a rendu publiques les mesures prises en faveur de l’art contemporain, notamment le transfert de propriété d’œuvres du Fonds national d’art contemporain (FNAC) en faveur des musées où elles se trouvent aujourd’hui. Comment accueillez vous cette nouvelle, vous qui êtes directement concernée ?
Il y effectivement un très gros dépôt du FNAC au Musée des beaux-arts de Nantes. C’est une merveilleuse nouvelle. Il est vrai que le FNAC fonctionne avec des crédits d’État, qu’il s’agit donc des impôts de tous les Français… Cette bonne nouvelle va nous inciter à être encore plus performants sur l’art contemporain et les acquisitions.
Quel regard portez-vous sur l’extension du Centre Pompidou à Shangai ou l’opération du Louvre à Atlanta ? Ne risque-t-on pas de créer deux types d’établissements : ceux à vocation internationale et d’autres à vocation purement régionale ?
Je considère que les collections des musées nationaux sont des collections nationales qui appartiennent à tous les Français et non pas aux présidents d’établissement. Je dois vous avouer que tous les musées français sont demandeurs de coproductions, de prêts des musées nationaux. Cette politique d’exportation de nos collections nationales ne me semble pas forcément complètement justifiée. À Nancy, j’ai collaboré avec Orsay pour l’exposition Roger Marx l’été dernier ou encore avec le Centre Pompidou pour des œuvres présentées hors les murs. À Nantes, le Louvre a prêté le tableau du Lorrain Ulysse remet Chryséis à son père durant tout le printemps 2005. Il y a toujours des échanges possibles, nous obtenons des prêts, mais cela n’est jamais très facile. De plus, ces opérations sont moins porteuses pour l’établissement prêteur qu’un projet international. Je me souviens que lorsque M. Jacques Sallois avait réformé la Direction des musées de France, il avait créé des grands départements scientifiques qui correspondaient à l’ensemble des grands musées, depuis le Louvre jusqu’au Musée national d’art moderne. Ces départements avaient pour mission d’animer l’ensemble des musées de France. Aujourd’hui, ces musées majeurs sont devenus des établissements publics, autonomes, et cette mission d’animation, de tête de réseau, n’est pas toujours remplie…
D’un point de vue international, en ce qui concerne les grandes expositions d’art ancien, Paris n’accuse-t-elle pas un certain retard par rapport à des villes comme Londres qui accueille actuellement Velázquez et Holbein, après Le Caravage, Le Greco et Raphaël ? Peut-on regretter que ce type d’expositions ne vienne pas dans la capitale ?
C’est la France qui avait commencé à initier ces grandes expositions, au Grand Palais. Le problème, aujourd’hui, est très complexe. Chaque établissement public doit réaliser un nombre d’entrées important, chose qui n’existait pas autrefois. Le Louvre a ses propres salles d’expositions, Orsay et le Centre Pompidou aussi. Il y a donc une dispersion des énergies et des moyens, ce qui fait que le Grand Palais n’a pas retrouvé une identité réelle. C’est le constat que l’on fait aujourd’hui.
On assiste à une logique de rapprochement entre l’art et le luxe. En témoignent le partenariat du Comité Colbert avec la FIAC ou la récente création de la Fondation Louis-Vuitton. Qu’est-ce que cela augure selon vous ?
L’art a toujours eu besoin de mécènes. Cela ne me choque pas plus que ça. Tout dépend de la liberté que les artistes vont garder, imposer. C’est exactement comme les envolées terrifiantes du marché de l’art dans certains domaines : nous ne sommes pas obligés de toujours suivre ! Il y a encore beaucoup de créateurs qui travaillent et restent abordables. Je crois surtout qu’il faut éviter de se faire manipuler…
Quelles sont les expositions qui ont retenu votre attention récemment ?
Venant d’arriver, depuis deux mois je n’ai rien pu voir. Mes dernières visites remontent donc à cet été ! J’ai particulièrement apprécié la rétrospective « Dan Flavin » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. La deuxième exposition organisée par le musée sur Pierre Huyghe était également très bien. Enfin, l’exposition Cézanne [au Musée Granet, à Aix-en-Provence] accueillait de très beaux chefs-d’œuvre.
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Blandine Chavanne - Directrice du Musée des beaux-arts de Nantes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Blandine Chavanne - Directrice du Musée des beaux-arts de Nantes