PARIS [22.04.15] - La Cour de cassation a refusé, le 9 avril 2015, d’annuler la vente d’un tableau à un adjudicataire professionnel, expert en art russe, et réputé avoir vu l’œuvre avant son acquisition. Rares sont les décisions retenant désormais le caractère inexcusable de l’erreur d’un professionnel.
Dans un mouvement continu mené par la Cour de cassation, l’erreur inexcusable d’un acheteur en ventes publiques est rarement établie, quand bien même l’adjudicataire est un professionnel ou un amateur averti. L’importance cardinale des mentions du catalogue de ventes aux enchères publiques, dont l’appréciation est placée sous l’égide du décret Marcus du 3 mars 1981, oblitère souvent la question de l’appréciation de la qualité de l’acquéreur. Or, il pèse sur le professionnel une obligation de se renseigner, d’examiner attentivement le bien pour lequel il souhaite se porter adjudicataire. Et cela d’autant plus lorsqu’est en jeu le domaine de spécialité du professionnel.
Tel était le cas à l’occasion de l’acquisition, en avril 2008, d’une œuvre présentée dans le catalogue comme étant de l’artiste russe Constantin Korovine (1861-1939). L’authenticité du tableau s’avéra ultérieurement garantie par un expert, avant d’être démentie par des membres du « Musée russe d’Etat ». Face à tant d’incertitudes, l’adjudicataire sollicita alors la nullité de la vente. Mais les vendeurs lui opposèrent le caractère inexcusable de son erreur au motif qu'il est « un expert de renommée internationale en œuvre d’art et toiles russes du 20e siècle, et plus précisément des œuvres de Konstantin Korovin qu’il expose en galerie d’art ».
De son côté, l’acquéreur soutenait, tout en reconnaissant sa qualité de « professionnel du marché de l’art », que son erreur était excusable dès lors que, se fiant aux informations données par le commissaire-priseur et à l’expertise, il avait acheté le tableau sans l’avoir vu en donnant son ordre d’achat par téléphone lors de la vente aux enchères.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence débouta l’adjudicataire de toutes ses prétentions, retenant, au regard de l’activité d’expertise menée pour la galerie Drouot durant 9 ans et de sa spécialisation, depuis quelques années, dans le cadre d'une activité de galeriste, dans les peintres russes de Paris, dont Korovin est l'un des représentants les plus illustres, sa qualité de « connaisseur très averti » et le caractère inexcusable de l’erreur. Par ailleurs, faute d’avoir mis en la cause le commissaire-priseur, l’acquéreur ne pouvait démontrer le fait qu’il aurait acheté le tableau par téléphone et sans l’avoir vu.
La Cour de cassation, le 9 avril 2015, a pleinement validé le raisonnement des juges du fond, confortant ainsi les critères d’appréciation retenus pour qualifier l’erreur d’inexcusable et écarter, en conséquence, la nullité. L’expertise positive ayant été donnée ultérieurement à la vente, celle-ci n’avait pu influencer son consentement. Surtout, ayant acquis une œuvre dans son domaine de spécialité et étant réputé avoir vu l’œuvre avant son achat, son erreur ne pouvait n’être qu’inexcusable. Ce dernier critère est essentiel. La seule impossibilité matérielle de pouvoir examiner l’œuvre permet à l’acquéreur professionnel d’être à nouveau créancier d’une obligation d’information. Placé dans une situation d’ignorance légitime de l’information essentielle, ici l’authenticité, lui permettant d’éviter d’être dans une conviction erronée au moment de l’adjudication, l’erreur redevient alors excusable et la nullité s’impose, dès lors que les mentions du catalogue sont inexactes.
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Il est de plus en plus difficile pour un adjudicataire professionnel de plaider l’erreur excusable
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Abonnez-vous dès 1 €Valentin Serov, Portrait de Constantin Korovin (1891), 89 x 112,2 cm, huile sur toile, galerie Tretiakov, Moscou © Photo Artsait.Ru - Sous Licence Domaine public via Wikimedia Commons