Vibrations de néon

Et ce, bien que depuis 1975, une œuvre de l’artiste américain, réalisée sur mesure pour le lieu, trône au cœur du Kunstmuseum. Aujourd’hui célébrée, cette installation de néons rose, jaune, verte et bleue (Untitled, In Memory of Urs Graf) dédiée à un graveur de la Renaissance suisse a eu du mal à se faire accepter : elle est restée longtemps éteinte avant de faire vibrer le patio aux lignes sévères du musée. En 2024, les temps ont changé et c’est en majesté que l’artiste autodidacte, ami de Don Judd et Jasper Johns, est exposé à Bâle. Un parcours chronologique présente 58 de ses réalisations en tubes de néon de couleur que l’artiste lui-même qualifiait de ­« ­situations » : une œuvre nue, sans apprêt et même un peu âpre à première vue qui se révèle au fur et à mesure de la visite toujours plus sensuelle et riche de sens. Beaucoup de ces installations sont des dédicaces à des personnes de son entourage – sa première épouse Sylvia, Soll Lewitt ou Don Judd –, mais aussi à des artistes disparus – Henri Matisse, Otto Freundlich (peintre et sculpteur allemand mort en déportation en 1943) ou encore Tatline, l’auteur russe du Monument à la Troisième Internationale projeté en 1920, dont Flavin a repris la silhouette monumentale aux lignes constructivistes une cinquantaine de fois. Ces « dédicaces en lumière » révèlent à quel point, derrière cette appropriation radicale d’un objet de facture industrielle et la négation répétée d’une teneur symbolique de ses travaux par l’artiste lui-même, cette création s’inscrit de plain-pied dans une longue lignée artistique.