À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie chez Valentin, à Paris, Véronique Boudier a répondu à nos questions.
Votre exposition qui s’intitule “Lumière, Faux cils, Faux marbre, Vrais souvenirs”, s’ouvre sur une vidéo, projetée sur la porte d’entrée de la galerie, montrant un numéro de jonglage. Dans quel état d’esprit avez-vous conçu cette exposition ?
J’ai passé huit mois aux États-Unis, de mai à décembre 2001, et après mon retour j’avais besoin, en quelque sorte, d’un terrain d’atterrissage : ce fut la piste du cirque. Je suis allée voir une représentation au Cirque d’Hiver, et les énergies étaient telles que j’ai eu envie de travailler là-dessus. La piste est un espace intéressant car il est extrêmement délimité tout en restant ouvert. Une des pièces que je présente dans cette exposition fait directement référence à mon histoire personnelle. Mon grand-père venait du monde du cirque, et ma famille possédait une table “relique” qui lui avait appartenu et qui était recouverte de faux marbre. Après avoir restauré cet objet, j’ai choisi de l’exposer. C’est à la fois une table de jeux sur laquelle sont disposées des paillettes que les gens peuvent mélanger, mais c’est également une image du monde, une carte de géographie. Je ne suis pas engagée dans un travail politique, mais j’aime évoquer certains problèmes de manière souterraine.
La plupart des œuvres exposées évoquent l’univers de la beauté factice : des faux cils collés sur le rebord d’un cerceau ou des faux ongles au bout de tiges d’acier. Vous situez-vous dans un discours critique par rapport à ça ?
Non, pas du tout. La féminité et l’artifice sont des réponses à la barbarie. J’ai accentué cette féminité dans mes photographies également. Les cils et les ongles font partie de ces choses qui sont au bord, à l’extrémité de la peau, et je les ai replacés dans la même posture, mais sur des objets qui font naître d’autres strates de significations. J’ai travaillé la lumière afin de donner une impression scénique à l’exposition : les œuvres sont éclairées comme le serait un numéro de cirque.
L’installation The River se compose d’une vidéo projection dans laquelle on vous voit étendue sur le sol, un liquide bleu s’échappant progressivement d’un de vos ongles. En dehors du cadre de la projection, le liquide est bien réel et se répand sur le sol de la galerie. Beaucoup de vos œuvres (vidéos ou photographies) se situent à la limite de la performance. Est-ce le cas ici ?
Cette vidéo a été réalisée à New York lors d’une performance qui a duré environ trois heures. Après les événements du 11 septembre, la question était de savoir comment réagir. La réponse est peut-être cette fuite et cette perte d’énergie qui s’incarnent dans cette œuvre. En ce qui concerne le dispositif de monstration, il évolue selon la situation dans laquelle il s’inscrit. J’aime que mes œuvres mutent, qu’elles rayonnent. Dans ce contexte, je n’avais plus envie d’être physiquement présente, tout en conservant à l’œuvre son mouvement, et sa fluidité. Beaucoup de mes installations possèdent ce caractère éphémère, lié à des matières périssables ou instables.
Chez Valentin, 9 rue Saint-Gilles, 75003 Paris, tél. 01 48 87 42 55, jusqu’au 23 avril.
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Véronique Boudier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Véronique Boudier