À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Michel Rein, à Paris, Saâdane Afif a répondu à nos questions.
Votre exposition s’intitule “... et n’importe quoi”. À quoi cela fait-il référence ?
Je l’ai conçue comme le pendant d’une précédente exposition présentée à la galerie Michel Rein, qui se trouvait à cette époque à Tours. L’exposition s’intitulait “Tout”, et j’avais alors choisi de ne montrer qu’une seule œuvre. C’était une sorte de réflexion ironique sur le jeu de l’artiste qui montre tout au travers d’une pièce unique, qui serait le monde. Là, j’ai voulu inverser la démarche en présentant “Tout et n’importe quoi” ! Cela me permet également d’éviter les sujets bateau en créant un ensemble à partir d’œuvres et d’expériences faites récemment, de faire se côtoyer des pièces de taille réduite avec des choses plus importantes tout en jouant avec le contexte particulier dicté par une galerie.
Parmi les pièces présentées, certaines d’entre elles sont le fruit de commandes ou de collaborations avec d’autres artistes. Pourquoi cette démarche ?
J’ai véritablement initié cette démarche lors d’une récente exposition personnelle au centre d’art Le Creux de l’Enfer, à Thiers. J’ai travaillé un peu comme un metteur en scène en faisant intervenir des artistes à l’intérieur d’un projet d’ensemble tout en maîtrisant les tenants et les aboutissants. Les décisions premières étaient initiées par moi, mais ces cadres étaient suffisamment ouverts pour que les artistes se sentent libres d’expérimenter de nouvelles recherches. L’exposition est un moment important pour montrer des œuvres qui s’entremêlent. Chez Michel Rein, j’ai eu envie de poursuivre cette voie. J’ai donc passé commande à Stéphane Calais d’une œuvre intitulée La Forêt, qu’il est venu réaliser sur les cimaises de la galerie. D’autres installations ont été pensées dans l’atelier mais la forme s’est improvisée sur place comme Conquérants de l’inutile, qui réunit une collection de livres sur les alpinistes et les sommets et que j’ai finalement choisi de présenter sur un petit escabeau qui est une reproduction de celui utilisé dans la galerie. Chaque œuvre a un enjeu particulier et l’enjeu global de cette exposition est de créer un ensemble. C’est cet ensemble qui crée la complexité. Sans être rétrospectif, je voulais être prospectif pour moi-même et m’inscrire dans un mouvement et un déplacement.
Vos œuvres sont généralement protéiformes. Ne craignez-vous pas que ces collaborations avec d’autres artistes ne viennent brouiller encore plus la lisibilité de votre travail ?
Très peu de choses ont en effet, jusqu’à présent, fait signe en répétition dans mon travail. Certains éléments commencent à apparaître d’une œuvre à l’autre sans que l’on puisse pour autant parler de vraies séries, ni qu’un style immédiatement identifiable se manifeste. J’ai toujours attaqué mes pièces avec tout ce qui m’était donné pour le faire, en réinventant à chaque fois la totalité de la construction et des médiums. Cela va de l’affiche à la maquette en passant par des installations très atmosphériques. Sans revendiquer le fait de ne pas être dans un “signature-work”, c’est une façon pour moi de garder un maximum de possibilités, et de ne pas m’enfermer. Cette ouverture sur la forme de l’autre, je la trouve dans ce système de commande ou de collaboration, et je le considère comme assez pertinent par rapport à la façon dont je travaille jusqu’à présent. J’ai toujours senti qu’à travers mon travail, j’étais dans une relation de discussion avec les gens. Ces échanges et citations entre artistes sont d’ailleurs assez fréquents, même si j’ai choisi pour cette exposition de les marquer d’une manière encore plus forte en les intégrant directement dans mes propres œuvres. En tout cas, je ne cherche pas à établir un quelconque système. Il est important que ces œuvres existent parce qu’elles sont pensées dans une relation, et une discussion avec d’autres artistes. Elles sont un regard sur le travail de l’autre.
Galerie Michel Rein, 42 rue de Turenne, 75003 Paris, tél. 01 42 72 68 13, jusqu’au 8 mai.
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Saâdane Afif
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°142 du 8 février 2002, avec le titre suivant : Saâdane Afif