Entretien avec Olivia Voisin, directrice des Musées d'Orléans
Historiquement, les expositions d’art ancien étaient majoritaires dans la programmation des musées nationaux et territoriaux. Toutefois, les deux dernières décennies ont peut-être vu un rééquilibrage en faveur de l’art moderne et contemporain. L’une des raisons est la fermeture pour travaux de musées comme ceux de Nantes ou d’Amiens, actifs en art ancien. Parallèlement, certains élus ont sollicité plus d’art contemporain en croyant y voir une formule magique pour accroître la fréquentation. Or, dans 99 % des cas, cette idée est fausse : quand l’art contemporain est posé ex nihilo dans une institution dont les collections ne sont pas en adéquation, il perturbe plus qu’il ne façonne l’image culturelle d’une ville, et il est nécessaire de déployer un accompagnement accru. Depuis que je suis arrivée à la direction des Musées d’Orléans en décembre 2015, j’ai eu la chance que la municipalité me fasse confiance pour élaborer une programmation cohérente trouvant son ancrage dans les collections. Tous mes confrères n’ont peut-être pas cette chance et de nombreux conservateurs se voient imposer une programmation incohérente et illisible par leur mairie ou leur direction. De fait, à l’échelle du territoire, nous n’avons pas encore retrouvé la quantité d’expositions d’art ancien des années 1990. Les chiffres records atteints par les expositions parisiennes au cours des dernières années va sans doute changer la donne dans des collectivités qui reviennent à une programmation plus historique.
En régions, ce n’est pas forcément le cas. Ce n’est pas parce que l’on expose une vedette de l’art moderne que les foules vont automatiquement se déplacer, en tout cas pas sans un battage médiatique qui doublerait ou triplerait le budget. En revanche, le coût d’organisation s’avère beaucoup plus onéreux, notamment du fait des valeurs d’assurance. Donc, même si l’exposition attire un peu plus de visiteurs, ce qui n’est pas garanti, le ratio coût-rentabilité n’est pas favorable. D’autant que je pense que chaque musée a son nombre de visiteurs. Par exemple, le Musée des beaux-arts d’Orléans accueille environ 70 000 personnes par an et ses expositions attirent en moyenne entre 20 000 et 25 000 visiteurs. C’est une fourchette stable, que nous programmions de l’art ancien ou une vedette de l’art moderne. Nous en avons fait l’expérience en 2017 avec Rodin : pour le centenaire de sa mort, nous avons présenté la plus importante exposition consacrée au sculpteur en dehors de Paris, avec des prêts majeurs du Musée Rodin qui était notre partenaire. Et la fréquentation n’a pas bondi automatiquement, l’exposition n’a pas drainé un public plus important que d’autres manifestations dédiées à des artistes anciens nettement moins connus.
Je ne pense pas que l’art ancien soit plus élitiste que l’art contemporain ; au contraire, il demande bien moins de connaissances pour être lisible par tout visiteur. À chaque fois que nous faisons des expositions d’art contemporain, nous devons déployer plus de médiation, d’accompagnement et le public n’est pas forcément au rendez-vous, y compris les jeunes, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Je crois que pour le public, qui n’est pas érudit mais curieux, l’art ancien est plus porteur de plaisir car il raconte des histoires. Face à une peinture ancienne, nous sommes comme au cinéma ou au théâtre : transportés dans l’histoire.
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Olivia Voisin : « L’art ancien n’est pas plus élitiste que l’art contemporain »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°733 du 1 avril 2020, avec le titre suivant : L’art ancien n’est pas plus élitiste que l’art contemporain