Italie - Art ancien

Mengs, le Raphaël allemand

Retour à Padoue sur l’un des fondateurs du Néoclassicisme

Par Lidia Panzeri · Le Journal des Arts

Le 2 mars 2001 - 628 mots

À la fois peintre de cour et théoricien, Anton Raphaël Mengs (1728-1779) a connu dans la seconde moitié du XVIIIe siècle une brillante carrière européenne, marquée par ses travaux pour le roi d’Espagne et pour le pape. Avant Dresde, l’exposition de Padoue évoque celui qui fut l’un des principaux artisans du retour à l’antique et à Raphaël, et nuance l’image d’académisme ennuyeux, associée à son nom par la postérité.

PADOUE (de notre correspondante) - La gloire qu’Anton Raphaël Mengs connut de son vivant dans les différentes cours d’Europe est inversement proportionnelle à l’oubli dans lequel a sombré son œuvre, marquée du sceau infamant de l’académisme. Son importance dans le renouvellement du paysage artistique européen a été un peu occultée par la personnalité de Winckelmann, auquel il se lie à Rome. Toutefois, Mengs est depuis quelques décennies l’objet d’un regain de considération, que la publication de son catalogue raisonné par Steffi Roettgen a consacré. Comme peintre et théoricien, le Saxon est en effet une figure emblématique du retour à un classicisme rigoureux, dont Raphaël constitue le modèle inégalé. Symboliquement, il éclipse à la cour d’Espagne Giambattista Tiepolo, représentant de cette manière enjouée et frivole rejetée par les nouveaux classiques.

L’histoire de Mengs est celle d’une ascension rapide et ininterrompue. Formé à Dresde, un des centres artistiques les plus fertiles dans l’Europe du XVIIIe siècle, il devient précocement peintre de la cour de Saxe en 1745. À partir de 1747, il séjourne à Rome, où il s’installe définitivement en 1751. Dix ans plus tard, Charles III l’appelle en Espagne. Au cœur de sa carrière, la période romaine est en tout point fondatrice. Découvrant l’antique et les Stanze de Raphël, il est initié à l’art des Carrache dans l’atelier de Marco Benefial. La passion pour l’Antiquité le rapproche de Winckelmann qui évolue dans le cercle du cardinal Albani. Pour sa villa romaine, ce dernier commandera à Mengs ce qui allait devenir le manifeste du Néoclassicisme romain : Le Parnasse. Cette fresque, ornant la voûte de la galerie, est achevée en 1761, avant qu’il n’aille exercer son talent de décorateur au Palais royal de Madrid et à Aranjuez. L’exposition padouane insiste naturellement sur cette facette de son talent, à l’aide de nombreuses gravures. Première de cette ampleur en Italie, elle envisage tous les aspects de la production artistique de Mengs, de ses nus classiques aux sujets religieux, comme la Via Crucis, de Madrid, qui doit son caractère dramatique aux contrastes des clairs-obscurs, ainsi que les figures classiques, telles la Sibylle de Londres ou la Sainte Cécile de Rome, où la perfection des formes, l’équilibre des couleurs, la délicatesse de l’incarnat s’accompagnent d’un sens moderne de la mélancolie, sentiment puissamment exprimé dans l’Autoportrait de Gênes. Ces œuvres rappellent que Mengs ne fut peut-être pas que ce dessinateur froid passé à la postérité, mais aussi un délicat coloriste. Dans ses Pensées sur la beauté et le goût dans la peinture (éd. Ensb-a, 2000), il vantait “l’agrément” de Corrège et “la vérité” de Titien.

À l’instar de ses modèles, Mengs a été un grand portraitiste, et ce don n’a pas peu fait pour son succès. Parmi les chefs-d’œuvre exposés à Padoue figurent le Portrait du prince électeur Frédéric Christian de Saxe, au regard fuyant, au sourire ambigu, et le splendide Portrait de la princesse électrice Marie Antoinette de Bavière, aux vêtements somptueux, à l’expression intense et perplexe. Malgré ses talents variés, peut-être manquait-il à Mengs cette capacité de transgresser, cette polyphonie des cordes de l’expression et de l’émotion, qui distinguent le génie du simple artiste, aussi doué soit-il.

- ANTON RAPHAËL Mengs. LA DÉCOUVERTE DU NÉO-CLASSICISME, jusqu’au 11 juin, Palazzo Zabarella, via San Francesco 27, Padoue, tél. 39 04 98 75 60 63, tlj 10h-20h. Du 23 juin au 3 septembre, Château royal de Dresde.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°122 du 2 mars 2001, avec le titre suivant : Mengs, le Raphaël allemand

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