La photographe a accroché ses images réalisées au château de Versailles au Musée Calouste-Gulbenkian à Lisbonne.
LISBONNE - Lorsque commande lui fut passée en 2013 par Catherine Pégard, présidente du château de Versailles, Manuela Marques douta. Elle ne savait pas si elle avait envie de faire ce travail sur Versailles. Elle s’est longtemps promenée dans le château, le lundi principalement, jour de fermeture, avant de pouvoir le photographier. « Je m’y suis aussi beaucoup perdue. Car Versailles, c’est de l’espace, du reflet, une perte complète de repères », dit-elle. La photographe sut en jouer de manière subtile et poétique, ainsi que le révèle ce travail pour la première fois exposé dans ses différentes séquences. Quelques-unes de ses photographies avaient en effet été montrées en 2014 dans l’exposition que lui avait consacrée la Fondation Calouste-Gulbenkian à Paris, concomitamment à la parution de La taille de ce vent est un triangle dans l’eau, première monographie de l’auteure publiée aux Éditions Loco.
Circulations et passages
À Lisbonne, au Musée Calouste-Gulbenkian, l’invitation de Penelope Curtis, sa directrice, à Manuela Marques s’inscrit dans l’un des volets de la programmation ; intitulé « Conversations », il repose sur le dialogue entre création contemporaine et collections historiques de l’institution, riches en particulier en mobilier, peinture, sculpture, textile, orfèvrerie, porcelaine, bronze et livres rares du XVIIIe siècle français, notamment de Versailles. Ce sont d’ailleurs ces ouvrages rares grands ouverts qui servent de fil conducteur dans les collections du musée, ponctuées de quelques œuvres de Manuela Marques : trois photographies, un son issu d’une répétition musicale au château et une vidéo, plan fixe d’un bassin d’eau de Versailles sous la neige. Au rez-de-chaussée, passé le portrait de La Suivante, énigmatique femme de profil aux traits dissimulés par ses longs cheveux gris, les différentes séries réalisées à Versailles troublent la perception. Les aplats de rose ou bleu juste soulignés d’or, de loin trompeurs, laissent découvrir de près les veloutés délicats d’un paravent ou le haut d’un lit royal.
La succession de portraits grand format de couloirs aux portes multiples, réfléchies ou non par un miroir ancien au mercure, brouille par son jeu de perspectives les repères et suggère quelque présence par leurs portes entrouvertes. Il en va de même avec la séquence des graffitis sur les vitres embuées de givre, révélateurs eux aussi de circulation, de passages éphémères, voire fantomatiques à l’échelle de l’histoire de Versailles. Le château n’est nullement abordé ici par les fastes de ses décors intérieurs, mais par les boiseries peintes, l’or de l’orfèvrerie, d’un liseré ou d’un cadre de miroir. Car chez Manuela Marques, le détail est porteur d’une vie propre et de projections. Et la « séquence », terme plus approprié chez elle que celui de « série », mise justement sur l’effet créé par les dialogues entre les grands formats de couloirs ou de vitres givrées, de lits ou de paravents, pour convoquer les esprits du lieu.
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Manuela Marques convoque les esprits du grand siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 mai, Musée Calouste-Gulbenkian, 45a, avenue de Berna, Lisbonne, Portugal.
Légende Photo
Manuela Marques, Espace 3, 2016, 171 x 113 cm. © Courtesy de l'artiste.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°476 du 31 mars 2017, avec le titre suivant : Manuela Marques convoque les esprits du grand siècle