Maître Sugimoto

À votre droite, une grille ouverte sur un sombre univers fait de plaques de tôle rouillées annonçant : « Aujourd’hui, le monde est mort. » À l’instinct (de survie), on serait tenté de s’engouffrer dans la gigantesque installation du Suisse Thomas Hirschhorn, qui réactive une nouvelle fois son œuvre où règnent en maîtres montagnes de pneus, scotch marron, textes écrits à la bombe, photocopies… Toutefois, certain que « La flamme éternelle » – titre de l’exposition du Palais de Tokyo – sera entretenue par tous au bar de cet éphémère lieu de rencontre, on peut préférer explorer la poétique et pénétrante proposition d’Hiroshi Sugimoto, à droite [« Aujourd’hui, le monde est mort (Lost Human Genetic Archive) », jusqu’au 7 septembre]. L’artiste japonais déploie ici son univers, invitant à une réflexion sur la fin du monde. Les récits de survivants témoignent de la lente destruction de l’humanité par elle-même. Souvent d’une ironie noire, certains ne sont pas dénués d’humour. Comme celui de la fin du monde par l’art suite à l’éclatement de la bulle spéculative autour des œuvres de Warhol, devenues « moins chères que les boîtes de soupe Campbell’s » elles-mêmes. « Je meurs avec la fierté de savoir que c’est l’art qui a déclenché la disparition du monde », écrit l’artiste fictif. À la fin, il ne reste que l’océan Arctique photographié par Sugimoto, l’eau à la source de la vie qui, cette dernière une fois éteinte, s’est « remise à stagner comme si rien ne s’était jamais passé ». Un monde post-apocalyptique d’une subtile beauté et d’une infinie profondeur qui laisse amer et étrangement apaisé.
À moins qu’il ne faille mieux en rire avec l’humoriste qui sait que « ce monde ne changera jamais » ?