En centrant la Xe édition de la Documenta sur un retour de l’art au politique, \"avec un grand P\", souligne son commissaire Catherine David, la manifestation intègre la multiplicité des démarches créatives contemporaines dans le champ traditionnellement dévolu aux arts plastiques.
CASSEL. Nul doute que les journalistes venus assister à la conférence de presse inaugurale de la Documenta X garderont longtemps en mémoire le cynisme dont a fait preuve son directeur artistique, Catherine David. La séance de questions qui a suivi la présentation s’est davantage apparentée au règlement de comptes qu’à un échange d’idées. Cette exaspération a même dépassé le cercle des médias lorsque les héritiers de Marcel Broodthaers ont exigé que l’une de ses œuvres soit décrochée le jour du vernissage, sous prétexte que son emplacement au Fridericianum n’était pas suffisamment prestigieux. Elle a heureusement réintégré l’exposition dès le lendemain. Abandonnant le concept de panorama de l’art d’aujourd’hui au profit d’une "rétrospective" des avant-gardes passées et à venir, Catherine David a dans le même mouvement imposé sa vision politique et anti-commerciale de l’art : "La Documenta ressort de la sphère de l’art et des idées, et non du domaine du show. Je ne souhaitais surtout pas en faire un spectacle à l’image du Festival de Cannes." Sa sélection se caractérise par un refus de toute concession aux modes, et les 115 artistes choisis, dont les deux tiers sont européens, vont bien au-delà des habitués de ce type de grand-messe. Le résultat est à la fois complémentaire et opposé à la démarche du commissaire de la Biennale de Venise. Germano Celant et Catherine David partagent la même préoccupation pour les notions de temps et de mémoire, mais là où le premier a choisi de privilégier des artistes reconnus dans une présentation digne d’un musée, la seconde a ouvert un laboratoire plus expérimental, même si un grand nombre de signatures connues y apparaissent.
Godard et Koolhas
Des Documenta passées, celles de 1968 – confiée à Arnold Bode – et de 1977 – à Manfred Schneeckenberger – sont les plus proches de la "dX", deux éditions où la sensibilité vis-à-vis du politique et les relations entre art et société étaient au cœur du débat. À travers les cinq grands bâtiments publics où se déploie la Documenta X – Kulturbahnhof, Fridericianum, Documenta Halle, Ottoneum et Orangerie –, Catherine David offre une sorte de vision archéologique de la culture contemporaine, où la photographie (Richter, Haacke...), le cinéma (Jean-Luc Godard), la vidéo (Dan Graham), le film d’animation (William Kentridge), l’architecture (Rem Koolhas), le dessin (Martin Walde), les installations (Hans-Jürgen Syberberg) et la sculpture (Mariella Mosler) ont nettement pris le pas sur la peinture. Même si certains jugent ce point de vue aride et trop enclin à la théoricisation, citant à loisir la profusion de murs recouverts de photographies en noir et blanc, la plupart des observateurs estiment que le commissaire français a tenu son pari, celui de fédérer des artistes qui se réalisent en particulier en dehors des médias traditionnels autour d’un projet global. Une réussite à souligner en regard du "Skulptur. Projekte" de Münster, qui a en revanche beaucoup déçu.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
… Mais à Cassel, une Xe Documenta prête à tout
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : … Mais à Cassel, une Xe Documenta prête à tout