La première exposition temporaire du château de Grignan, consacrée à sa plus célèbre occupante, est une réussite.
Grignan. Le château de Grignan, fiché sur un piton rocheux dominant un petit village de la Drôme provençale, n’a pas appartenu à la marquise de Sévigné, mais à sa fille Françoise-Marguerite, devenue comtesse de Grignan par son mariage. C’est à cette fille chérie que l’épistolière a adressé une large part des lettres qui ont fait sa renommée littéraire. Durant quatre années, la marquise a vécu à Grignan auprès de celle qu’elle aimait le plus au monde et c’est là où elle a été inhumée en 1696.
Organiser entre les murs du château de Grignan une exposition sur Madame de Sévigné semble ainsi couler de source. Pourtant, le choix de l’écrivaine comme sujet d’exposition inaugurale ne s’est pas imposé d’emblée (c’est la première fois que le château dont le deuxième étage a récemment été libéré de ses espaces de bureaux accueille une exposition temporaire). « J’avais proposé une exposition sur la plus méconnue Marie Fontaine, qui a fait reconstruire Grignan au début du XXe siècle », confie Chrystèle Burgard, conservatrice des lieux, précisant que le Département, propriétaire du château, a préféré Sévigné.Le choix se révèle finalement judicieux, la femme de lettres n’ayant pas fait l’objet d’une exposition depuis celle de 1996 au Musée Carnavalet, à Paris, lieu où a demeuré la marquise. Et la présentation de Grignan est incontestablement une réussite. Épaulée par un comité scientifique composé de spécialistes du Grand Siècle et de Madame de Sévigné, Chrystèle Burgard a su tirer parti d’un espace restreint (160 m2) où se déploient élégamment une centaine de peintures, objets d’art, manuscrits, livres, gravures…
Si le château de Grignan possède nombre de pièces liées à la marquise – ainsi des lettres autographes –, d’autres institutions ont joué le jeu : Carnavalet a prêté son portrait emblématique de la Sévigné et le Centre des monuments nationaux, celui de l’écrivain Roger Bussy-Rabutin avec qui l’épistolière a si souvent échangé des badineries caustiques (deux toiles de Claude Lefèbvre). Tandis que le Musée des beaux-arts de Chambéry s’est séparé temporairement du portrait de Jeanne de Chantal, dévote grand-mère de la marquise peinte par Philippe de Champaigne.
Un style « naturel et dérangé »
Convoquant souvent le verbe même de Madame de Sévigné, la médiation écrite, agréable à lire, dresse un portrait passionnant de cette assidue de la Cour et des Salons. Celle qui avait mis la correspondance au centre de sa vie écrivit des missives d’abord imprégnées des usages épistolaires de l’époque où elle tenait la chronique de la vie mondaine et politique, avant d’adopter un style « naturel et dérangé » pour s’adresser très librement à sa fille, exilée à Grignan à partir de 1671, pour le plus grand malheur de sa mère.
Si l’exposition déroule la biographie de la marquise, elle s’intéresse aussi à sa postérité. La destinée complexe des lettres à sa fille est finement retracée. La marquise n’aurait pas souhaité voir rendus publics ces textes trop intimes ; ils vont néanmoins, au XVIIIe siècle, être divulgués, mal copiés et publiés truffés d’erreurs. Soucieuse de rétablir la « vérité », Pauline de Simiane, petite-fille de la marquise, fera paraître les lettres de manière officielle, mais dans une version édulcorée, élaguant les relations conflictuelles entre mère et fille, les difficultés financières familiales et les détails triviaux. Ce n’est qu’en 1872 que la découverte d’anciennes copies plus fidèles rétablissent la plume de la marquise dans sa vérité. Les lettres autographes ont quant à elle été brûlées vers 1784 comme le souhaitait Pauline de Simiane, à l’exception de huit d’entre elles. L’exposition en montre deux.
Attribué à Pierre Mignard, Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan, XVIIe siècle, huile sur toile, Musée Carnavalet, Paris. © Photo : Musée Carnavalet/Roger-Viollet.
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Madame de Sévigné en toutes lettres
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 octobre, château de Grignan, 26230 Grignan.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Madame de Sévigné en toutes lettres