PARIS [03.02.12] - Bien avant son ouverture programmée pour l’année 2015, la Maison de l’Histoire de France propose une impressionnante réunion de grands plans-reliefs sous la nef du Grand Palais. Évoquant les frontières mouvantes du territoire français, cette exposition de préfiguration met en valeur les collections oubliées du Musée des plans-reliefs.PAR SOPHIE FLOUQUET
PARIS - Si les visiteurs étaient un tant soit peu attentifs aux questions institutionnelles, nul doute que l’adhésion du public au projet si controversé de Maison de l’Histoire de France (MHF) serait en marche. Il suffit en effet d’arpenter les espaces sous verrière de la nef du Grand Palais, une fois les jours de vernissage passés, pour constater à quel point les grands plans-reliefs qui y sont réunis passionnent le public qui vient donc voir là, souvent sans le savoir, la première exposition produite par la future MHF. Tous âges confondus, les visiteurs scrutent ces minutieuses maquettes grâce aux longues-vues, miroirs ou autres passerelles surélevées qui permettent de prendre de la hauteur, s’émeuvent devant les images du bombardement de Brest et cherchent frénétiquement leurs références géographiques sur les 650 m2 de maquettes.
Si elle a été un peu oubliée, l’histoire de ces incroyables chef-d’œuvre de miniaturisation est pourtant bien connue. En 1668, le ministre Louvois commande pour son roi, à Vauban, une maquette de Dunkerque. L’enjeu est alors de mieux défendre les places fortes des Flandres espagnoles qui viennent d’être conquises en révisant leur système de fortifications. L’idée fera école. Une cohorte d’ingénieurs est alors dépêchée dans les provinces frontalières pour opérer les relevés et les transmettre aux artisans chargés de la réalisation de ces gigantesques maquettes au 1/600e. Le roi apprécie tant ces créations atypiques qu’il les fait exposer dans la galerie du bord de l’eau du palais du Louvre et les présente à ses visiteurs de marque. L’affaire sera poursuivie bon gré mal gré jusqu’en 1873, laissant ainsi un total de 260 plans-reliefs représentant quelque 150 sites fortifiés. Il n’en reste aujourd’hui qu’une centaine, dispersée entre Paris et Lille ; 16 d’entre eux ont donc été exceptionnellement sortis de leurs caisses, dépoussiérés et remontés pour l’événement. D’ordinaire, ils dorment dans les réserves du Musée des plans-reliefs, logé bien à l’étroit depuis 1943, dans les combles de l’Hôtel des Invalides. Ironie de l’histoire, c’est alors qu’elle était directrice du Patrimoine au ministère de la Culture, il y a plus de 15 ans, que Maryvonne de Saint-Pulgent, qui vient de prendre la présidence de la MHF, avait milité pour la sauvegarde de cette « collection tragiquement méconnue », mais classée monument historique depuis 1927, et l’achèvement de ce musée oublié. En vain : tous les plans-reliefs ne peuvent toujours pas y être présentés.
L’exposition est pourtant déjà décriée pour son budget, soit 2,5 millions d’euros pour cinq semaines d’exploitation, sans compter le coût de la mise à disposition de la nef du Grand Palais, somme astronomique due à la complexité de la manipulation et de la mise en scène de ces pièces hors normes, constituées au total de 328 tables et 4 731 pièces de piétement. Elle devrait toutefois connaître le succès, malgré le choix d’une thématique qui pourrait sembler complexe, celle des frontières mouvantes du territoire hexagonal. Réunies par grandes zones géographiques – les côtes, les Alpes, le Nord ou l’Est –, ces maquettes extraordinaires, souvent actualisées et réparées au XIXe siècle, retrouvent donc avec brio la lumière. Nul ne peut ainsi rester indifférent face aux 160 m2 du plan-relief de Cherbourg (1819) et à la narration de la construction de sa grande digue, aventure un peu folle lancée par Louis XVI et achevée par Napoléon, consistant à créer la plus grande rade artificielle au monde, qui a changé la destinée de cette modeste bourgade du Cotentin devenu l’un des principaux arsenaux français. Brest (1811) ville meurtrie, y retrouve aussi sa configuration antérieure aux bombardements de la seconde guerre mondiale. L’ascension des Alpes, zone stratégique face aux Habsbourg, est tout aussi impressionnante, cette « muraille des Alpes » de plus de 4 000 marches construites sur un dénivelé de 600 mètres. Une maquette qui permet aussi de mesurer la vanité et la démesure d’une telle entreprise de protection des frontières.
Commissaires généraux : Max Polonovski, directeur du musée des Plans-reliefs, Éric Deroo
Commissaire associée : Isabelle Warmoes, ingénieur d’études au musée des Plans-reliefs
Scénographie : Nathalie Crinière, agence NC
Nombre de plans-reliefs : 16
Jusqu’au 17 février, Grand Palais, nef, avenue Winston Churchill, 75008 Paris, tlj sf mardi 10h-20h, 22h le vendredi, www.lafranceenrelief.fr
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L’Histoire en relief
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Abonnez-vous dès 1 €Vue de la scénographie de l'exposition « La France en relief », au Grand Palais, avec le plan-relief de la ville de Grenoble. © Photo : Isegoria.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : L’Histoire en relief