PARIS
Des bêtes mythologiques, merveilleuses, grandioses, inquiétantes. Une viole de gambe, qui précède la composition de Tous Les Matins du monde.
Des orants vulnérables au sexe érigé. Le bouleversant plongeur de Paestum. Sur la feuille de papier, les images surgissent, qui ouvrent la voie aux premiers mots d’un texte, avant de la refermer une fois le manuscrit achevé. Pascal Quignard se défend d’être peintre : ces visions n’ont pas vocation à constituer une œuvre, elles sont comme un épanchement du rêve dont jaillit le livre. L’auteur du Dernier Royaume, cycle dont il vient de publier le onzième tome, ne conserve pas ses manuscrits : il les détruit aussitôt l’ouvrage paru, hormis précisément les feuilles ornées de dessins (et celui de Boutès, conservé dans son intégralité à la demande d’une universitaire travaillant sur la genèse des textes). On les découvre avec ravissement dans l’exposition que consacre à l’écrivain la Bibliothèque nationale de France, accompagnée par un magnifique ouvrage publié par les éditions Hermann, Sur le geste de l’abandon. Cette exposition voit le jour à l’occasion du don que fait Pascal Quignard de ses archives à la BnF. À travers des lettres, des photographies, des fragments de manuscrits, des éditions rares, ou encore les dessins imaginaires du personnage de Meaume le personnage de Terrasse à Rome dont ils ont accompagné la rédaction, elle tente d’esquisser les contours d’une vie vouée à l’écoute des murmures de l’âme du monde et à la création littéraire.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Les visions de Pascal Quignard