Trente ans durant, Camille Claudel a vécu à Avignon. Plus précisément, elle a passé tout ce temps à l’hôpital psychiatrique de Montfavet, commune voisine de la cité papale.
Voilà cent ans cette année de son internement et soixante-dix de sa mort. Éric Mézil, le directeur de la Collection Lambert, a eu l’heureuse idée de se saisir de ce double et triste anniversaire pour réunir sous la tutelle de la sculpteure quatre autres femmes artistes de la même trempe : Louise Bourgeois, Kiki Smith, Jana Sterbak et Berlinde De Bruyckere. Ainsi, à Avignon, cet été, pour le plus grand bonheur de l’art, les papes se sont-ils fait voler la vedette par « Les Papesses ».
Si ce titre renvoie à Jeanne la Papesse qui, au IXe siècle, avait réussi à se faire élire pape en dissimulant son sexe féminin, les Papesses en question partagent quant à elles, tant dans leur œuvre que dans leur art, une même volonté farouchement féministe. Qu’il soit physique ou mental, nu ou couvert, fragmenté ou plein, le corps y est la figure centrale autour de laquelle chacune de ces artistes a envisagé et développé sa démarche. Leurs œuvres réunies au Palais des Papes et à la Collection Lambert, on mesure encore mieux ce qui les rassemble et ce qui les distingue. Ce qui frappe, c’est leur richesse d’inventions plastiques, leur recours à toutes sortes de matières parfois inédites et cette façon qui leur est propre de faire de chacune de leurs œuvres le vecteur d’un manifeste.
À la sensualité des marbres de Camille Claudel et à ses figures enlacées font notamment écho les magnifiques dessins au stylo-bille de Louise Bourgeois. Alors que la même esthétique à fleur de peau gouverne gravures de Kiki Smith et photographies de Jana Sterbak, les moulages de Berlinde De Bruyckere ne sont pas sans référer à la muse de Rodin. Difficile d’ailleurs au beau milieu de cette double exposition de ne pas penser à ce dernier tant il a fait chavirer l’art de la sculpture. Ce que celles-ci ont prospectivement intégré, corps-enveloppe et corps-chair confondus.
« Les Papesses », jusqu’au 11 novembre 2013, Palais des Papes, Collection Lambert, 5, rue Violette, Avignon (84), www.collectionlambert.fr
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Les Papesses le corps en jeu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°660 du 1 septembre 2013, avec le titre suivant : Les Papesses le corps en jeu