Pierre Tal Coat et François Dilasser sont célébrés dans leur Bretagne natale avec des œuvres offrant au spectateur un champ imaginaire étendu.
BIGNAN - Pour ceux qui ne le savent pas, le domaine de Kerguéhennec n’est pas uniquement ce somptueux parc qui égraine une vingtaine de sculptures. L’arrivée d’Olivier Delavallade au poste de directeur a fait que le lieu, un peu endormi pendant quelques années, a retrouvé toute sa dynamique. L’illustration en est la double exposition que propose le centre pendant l’été : celle de François Dilasser et celle de Pierre Tal Coat. Toutefois, chacune de ces deux manifestations a un caractère différent. De fait, riche de la très importante collection (quelque 1 000 peintures, aquarelles, dessins et gravures), le domaine montre en permanence un choix d’œuvres de Pierre Tal Coat à l’aide d’un accrochage qui sera renouvelé régulièrement. Le tout se fera dans le cadre du centre de recherche dédié au peintre, qui a été créé par le département du Morbihan à Kerguéhennec. Le parcours récent permet de prendre connaissance essentiellement avec la partie figurative de l’œuvre, la moins connue du grand public (Massacres, 1937). On peut cependant regretter l’absence des magnifiques autoportraits que l’artiste réalise à partir des années 1980. Certes, une toile comme Barre dans le jaune (1970) donne déjà la mesure de la tendance matiériste qu’il va pratiquer, cette façon de ne pas faire de la peinture mais d’être dans la peinture. Mais, c’est avec les figures humaines (ou leurs vestiges) que Tal Coat fait appel à un véritable empâtement de couches de la substance picturale, de coulures, de strates, d’accumulations de traits et d’enchevêtrements de stries d’où émergent les faces. Confrontation entre l’informe et la forme en devenir, entre la ligne et la masse, comme un témoignage direct du processus de création. Ou encore de disparition ou de destruction…
L’exposition de François Dilasser, temporaire celle-ci, montre toute l’envergure d’un peintre récemment disparu. Partageant avec Tal Coat le refus de choisir entre figuration et abstraction, Dilasser ne cherche pas à mettre le réel à l’épreuve à l’aide d’une description minutieuse ou exhaustive. De même, il n’y a pas de thème de prédiction chez lui. Paysages marins, jardins, personnages, têtes, bateaux-feux… la liste est longue. En réalité, ce qui frappe dans cette production picturale sont les deux directions pratiquement opposées : d’une part, la fragmentation (Grand Voyage, 1990), une peinture cristalline, parfois un peu décorative ; d’autre part, une peinture en « bloc » où les « objets » muets, se repliant sur eux-mêmes, refusant tout « parasitage » psychologique ou métaphorique, sont comme un défi jeté à l’artiste. Ce sont les personnages et les têtes, exposées dans l’imposante salle des écuries, qui illustrent le mieux la seconde manière de Dilasser. Occupant souvent l’essentiel de la surface de la toile, d’une frontalité marquée, solidement campées, ces formes se trouvent pour ainsi dire en première ligne, sur la peau de la peinture. Solides et immuables, ces œuvres semblent préserver un secret. D’où toute leur puissance.
Jusqu’au 29 septembre, Domaine de Kerguéhennec, 56500, Bignan, tél. 02 97 60 31 84, www.kerguehennec.fr, tlj 11h-19 h.
Commissaires Olivier Delavallade, directeur du domaine de Kerguéhennec, Antoinette Dilasser.
Nombre d’œuvres : 200 œuvres/2 artistes
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Les deux font la paire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : Les deux font la paire