ARLES
La canicule, les revendications des photographes, les conditions d’accès, mais aussi une programmation foisonnante qui fait la part belle au documentaire ont marqué la 49eédition du premier festival photographique au monde.
Arles. La semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles n’a pas été de tout repos pour Sam Stourdzé interpellé sur la maigre rémunération des photographes exposés (500 euros), nouveauté de cette 49e édition, alors que les commissaires des expositions le sont depuis longtemps. Il est vrai que d’autres festivals au budget bien plus maigre s’acquittent en moyenne de 1 000 à 1500 euros par photographe invité. Pourtant le festival international de photographie s’affirme une nouvelle fois comme le grand rendez-vous estival de la profession, où se croisent désormais de plus en plus de figures du milieu de l’art contemporain. Leur participation, comme celle de la Fondation Luma, à une programmation attractive forment un séduisant cocktail.
Lors de cette semaine dite aussi « professionnelle », la fréquentation a enregistré une hausse de 6 % par rapport à l’an dernier avec 18 500 visiteurs accueillis selon les organisateurs. La fermeture du festival, le 23 septembre, clôturera les chiffres. En 2017, la fréquentation globale avait atteint 125 000 visiteurs, soit 20 % d’augmentation par rapport à 2016.
Cette année, le directeur du festival a une nouvelle fois montré sa capacité à établir une programmation foisonnante et de belle tenue, un peu gâchée par des conditions de visites ou de travail pour le personnel particulièrement éprouvantes en raison de la canicule, y compris dès le matin.
Deux jours ne suffisent plus pour apprécier posément l’ensemble des propositions et encore moins si l’on souhaite voir le programme associé de Luma Arles, de l’Association du Méjan et/ou du Musée Réattu. Certes le supplément de 5 euros au tarif d’entrée des Rencontres pour visiter les expositions de l’Association du Méjan, couplé à celui de 10 euros requis par la fondation de Maja Hoffman, et de 3 euros par le Musée Réattu conduisent à faire des choix. Ce qui s’avère regrettable compte tenu de la teneur solide des propositions ; en particulier en ce qui concerne la monographie de Véronique Ellena au Musée Réattu, qui avait toute sa place au sein de la programmation des Rencontres aux côtés de celle de Paul Graham. Il en va de même pour la collection des portraits d’Antoine de Galbert et le récit tout en finesse « Des sneakers comme Jay-Z », portrait et paroles d’exilés de Frédéric Delangle et Ambroise Tézenas sur la place du vêtement choisi au centre d’accueil d’Emmaüs Solidarité à Paris qu’a choisi de programmer l’association de Jean-Paul Capitani et Françoise Nyssen.
Dans un tout autre registre, on pouvait regretter également certaines juxtapositions d’expositions. Le dialogue subtil de Jane Evelyn Atwood & Joan Colom aurait gagné à ne pas être parasité par le récit du jeune Lucas Olivet sur la Pologne, très convenu dans sa forme. La configuration de certains espaces d’expositions qui additionnent les propositions d’inégale qualité provoque parfois un certain malaise. Certes la problématique de la disponibilité des lieux d’une année sur l’autre est un vrai casse-tête pour les Rencontres, notamment face à la place qu’exigent désormais certains récits documentaires, autant dans leur propos que dans leur construction et leur présentation, convoquant de plus en plus des films, de la vidéo et des installations – non sans pertinence. En témoignent l’enquête sur Auroville de Christoph Draeger et Heidrun Holzfeind et Gaza To America, home away from home de Taysir Batniji sur les membres de sa famille installés en Amérique ou restés à Gaza. On est loin, bien loin, de la démarche et l’écriture d’un Robert Frank ou d’un Raymond Depardon dont la vision de l’Amérique de 1968 à 1999 a été un autre grand moment de cette édition, marquée par ce condensé de vie contenu dans chaque image et la concision du propos.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°506 du 7 septembre 2018, avec le titre suivant : Les chauds et froids des Rencontres d’Arles