FÉCAM
Cette exposition dédiée à Eugène Le Poittevin (1806-1870) est une première, aucune présentation de ses œuvres n’ayant été faite jusqu’à présent.
C’est de plus une réussite parce qu’elle réunit, au terme d’un patient travail de recherche, les plus significatifs de ses tableaux, très dispersés. Cinq sections relatent les étapes de la longue carrière du peintre, déroulée tant à Paris, où il participe régulièrement de 1827 à 1870 à tous les salons, qu’en Normandie où il passe une bonne partie de sa vie. Célèbre de son temps, Le Poittevin est quasiment inconnu de nos jours. Son approche, certes pittoresque mais considérée désormais trop régionaliste, n’offre plus aujourd’hui l’intérêt qui retenait hier l’attention des collectionneurs. La présentation de plus de soixante-dix de ses œuvres permet de réviser les jugements et de voir que l’artiste a abordé de multiples thèmes, entre autres historiques. À l’évidence, Étretat, qu’il a découvert en 1831 grâce à Isabey, est le lieu où son talent s’exprime le mieux. Dans ce village normand, il reçoit ses élèves et accueille Courbet, qui y peint une de ses vagues « venues du fond des âges », selon les mots de Cézanne. Le Poittevin brosse avec brio et un sens affiné des couleurs le labeur des pêcheurs naviguant sur les caïques et la joie des bourgeois parisiens qui s’adonnent à la mode des bains de mer, titre d’une toile animée et bien composée que Baudelaire, non sans une certaine ironie, trouve « trop bien peinte ». Bien sûr, Le Poittevin aime l’anecdote et les scènes de genre. Mais il excelle d’abord dans les perspectives paysagères, les contre-jours et les ciels mouvementés qui inspireront Boudin. Romantique à souhait, il annonce par son goût des nuances et des jeux de lumière l’impressionnisme. Il apparaît surtout comme un dessinateur talentueux, les esquisses au crayon et les études à la pierre noire visibles au long du parcours le prouvent. Il faut souhaiter que le projet de consacrer une seule et même exposition à ses nombreux dessins voie le jour.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Le Poittevin, un peintre régionaliste et romantique