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DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS

Le musée de l’Armée célèbre toutes les victoires

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 21 décembre 2023 - 741 mots

« Victoire ! La fabrique des héros » dépasse le cadre militaire pour trouver un pendant à la victoire dans la société civile, notamment dans le sport.

Paris. Le mot « victoire » évoque aujourd’hui des moments de célébrations sportives, des événements politiques voire des récompenses artistiques, bien plus que des affrontements militaires. Travaillant initialement sur un parcours traitant des victoires guerrières pour cette exposition hivernale, le Musée de l’armée a élargi son propos en cours de route pour intégrer ces triomphes civils. Le parcours y gagne avec une approche plus grand public, qui n’intéressera pas que les férus d’histoire militaire, en présentant la célébration martiale comme la source des trophées et récompenses de la vie civile.

La scénographie appuie avec clarté cet aller-retour entre monde militaire et monde civil, en les distinguant par la couleur : un gris sérieux pour la guerre, un orange festif pour les victoires acquises pacifiquement. Le parcours thématique fait cohabiter ces deux univers, et dans chaque salle le regard embrasse en même temps le modèle militaire et son équivalent dans d’autres domaines. L’efficacité du propos est soulignée par une ambiance générale très lumineuse, des textes de salles qui vont droit au but (parfois peut-être trop directement) et des vitrines aérées, sans surcharge inutile d’objets.

Un patrimoine sportif méconnu

L’hôtel des Invalides a fait appel à de nombreux prêteurs institutionnels en France, parmi lesquels le Musée national du sport, bien représenté, mais aussi à d’autres moins habitués aux sollicitations patrimoniales. Quatre fédérations sportives ont ainsi joué le jeu, en exposant quelques-uns de leurs trésors : une démarche assez nouvelle, comme le fait remarquer Grégory Spourdos, co-commissaire de l’exposition, pour ces organisations qui n’ont pas encore une vision patrimoniale de leurs fonds.

La Fédération française de football a ainsi confié le précieux trophée Jules-Rimet, brandi par Zinédine Zidane et ses coéquipiers un soir de juillet 1998, pour évoquer la première Coupe du monde remportée par la France. Celle de basket a prêté une véritable relique, restaurée par le Musée de l’armée : une bannière datant de 1894, soit l’un des plus vieux objets liés à ce sport créé en 1891, et l’un des plus anciens trophées sportifs conservés.

L’exposition permet de porter un regard patrimonial sur ces objets. Elle offre aussi une vision anthropologique de ces moments victorieux, en décelant une permanence des formes et des coutumes sur une large période chronologique (le plus vieil objet présenté date de - 3 000 avant notre ère, et le plus récent de 2022). Des clefs de la forteresse de Milan, dont s’empare le belligérant qui a le contrôle de la ville au XVIIIe siècle, à la clef honorifique de la ville de Minneapolis remise à la joueuse de tennis Suzanne Lenglen, des amphores d’huiles données aux vainqueurs des jeux antiques des Grandes Panathénées à la Coupe de France de football, les objets concrétisant la victoire restent les mêmes d’un siècle à l’autre.

Pour dérouler ces parallèles, l’exposition est séquencée en cinq moments qui font immédiatement suite à l’arrêt des combats, ou de la compétition, allant de l’instant décisif de la victoire à l’héritage d’un triomphe. Entre-temps, il y a eu des récompenses, des célébrations, et quelques défaites ayant tout d’une victoire. La grande diversité des objets présentés fait aussi l’attrait de ce parcours, où sont réunis dans la même salle des gravures de Jacques Callot décrivant les pillages de la guerre de Trente Ans au XVIIe siècle et un étrange Oscar de l’emballage de 2021, remis depuis soixante-dix ans par le titre Emballages Magazine.

L’exhaustivité est également géographique, avec des pièces venues des quatre coins du monde, témoignant du besoin universel d’affirmer et de célébrer une victoire, dans les domaines les plus divers : en Côte d’Ivoire, une grande canne récompense ainsi le cultivateur du peuple Senoufo le plus virtuose dans le maniement de la houe.

Quelques figures traversent le parcours, comme la Niké grecque, déesse de la Victoire, que l’on retrouve sur les récompenses contemporaines. La médaille, le trophée – militaire ou de chasse – forment la base du vocabulaire de la victoire décliné dans le parcours, qui ne s’enrichit au cours des siècles que de rares innovations. Celle du podium, par exemple, une invention des Jeux olympiques modernes, dont est exposé un exemplaire des Jeux d’hiver de Grenoble. En présentant ces exemples divers, le Musée de l’armée met en perspective des objets dont la signification nous paraît évidente, conformément au rôle de musée de société que les Invalides veulent désormais assumer.

Victoire ! La fabrique des héros,
jusqu’au 28 janvier 2024, Musée de l’armée, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Le musée de l’Armée célèbre toutes les victoires

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