Qu’il soit africain, océanien, népalais, japonais ou eskimo, ce classique conserve une place de choix. Valeur sûre, il est présent chez de nombreux exposants de Parcours des mondes.
Depuis maintenant vingt-deux ans, la manifestation parisienne fait voyager les amateurs et collectionneurs d’art premier en Afrique, en Océanie, en Asie et sur le continent américain sans quitter Saint-Germain-des-Prés. Un véritable tour du monde en quelques heures. Cette année, une soixantaine d’exposants sont réunis autour du président d’honneur Stéphane Martin, qui fut à la tête du Musée du quai Branly – Jacques Chirac pendant plus de vingt ans. Qu’ils viennent de France, de Belgique, d’Espagne, d’Italie, du Royaume-Uni, de Suisse, aussi bien que de Côte d’Ivoire, de Finlande, des États-Unis ou d’Australie, chacun a pris soin d’accrocher sur ses cimaises un ou plusieurs masques. Le couple de marchands Abla et Alain Lecomte, qui présente une exposition thématique à chaque édition de la manifestation, consacre d’ailleurs son espace à ce sujet.
Particulièrement représentatif des cultures extra-européennes, le masque, comme son nom l’indique, est un faux visage destiné à cacher celui du porteur, pour occulter sa personnalité au profit de l’esprit, de l’être ou d’une quelconque force surnaturelle qu’il est censé représenter. Les masques africains sont indéniablement les plus nombreux, différents selon chaque peuple (Fang, Dan, Punu, Baoulé, etc.). En Océanie, où il y a là par définition moins de pièces en circulation, ils divergent selon les micro-sociétés qui peuplent les archipels du Pacifique (masques du Vanuatu, des rives du fleuve Sepik ou de Nouvelle-Irlande). Ils sont également nombreux en Asie, notamment en Asie du Sud-Est ; on y trouve les masques Dayak en Indonésie (Bornéo) ou ceux de Java par exemple. Quelle que soit sa provenance, un masque est aujourd’hui le plus souvent exposé seul, alors qu’à l’origine il était accompagné d’un costume dont il faisait partie.La fonction d’un masque extra-européen est avant tout rituelle, souvent exprimée au travers de danses. Il est associé à différents rites, agraires, funéraires ou initiatiques. La grande diversité des formes et des matériaux (bois, fibre, métal, ivoire, os ou même pierre comme dans l’Amérique précolombienne, reflète la diversité des usages. Le masque peut revêtir différents aspects, être zoomorphe, anthropomorphe ou même hybride, être abstrait ou réaliste, doux ou terrifiant, monochrome ou polychrome, enduit de kaolin, brut ou doté d’une patine sacrificielle.
Pour autant, quelle que soit sa forme, le masque est souvent porteur d’une double dimension. Une dimension religieuse d’abord : il permet de relier deux mondes, celui des vivants et celui des esprits. L’exhibition des masques met en scène les événements remarquables qui se sont produits à l’origine du monde. Ils permettent de raconter l’histoire mythique du groupe et de ses héros fondateurs. L’autre dimension est sociale. Les masques sont souvent les gardiens de l’ordre social. Ils apparaissent lors d’une cérémonie, notamment durant les rites initiatiques, ou d’une fête, pour surveiller que tout se passe bien et éloigner les menaces (conflits, maladies, catastrophes naturelles). Enfin, les masques pouvaient aussi avoir une fonction de divertissement, à l’instar des masques japonais de théâtre nō, par exemple. Aujourd’hui, la majorité des rituels ayant disparu, souvent remplacés par des festivités, les sorties de masques ont désormais un but plus touristique que social.
Les Dan, qui vivent au nord-ouest de la Côte d’Ivoire et dans les régions limitrophes du Liberia, produisent un grand nombre de masques, d’aspect réaliste. L’essentiel du corpus des masques Dan relevant du style « classique » est caractérisé par de larges yeux ronds et ajourés. Ici, il s’agit d’un masque de courses de type Gunye ge avec des yeux évidés afin de permettre une meilleure vision. « Il veille la nuit, dit-on, surveillant les incendies possibles en saison. Il est, répète-t-on dans les écrits, confié au coureur le plus rapide du village », précise François Neyt, dans Trésors de Côte d’Ivoire.
Vivant au Mali, le long du fleuve Niger, essentiellement vers Djenné, l’ethnie Bozo a développé un art initiatique et ludique. Ce masque zoomorphe incarne les esprits de la nature, honorés chaque année par les villageois pour s’attirer leur bienveillance afin de favoriser la pêche.
Ce masque de Dakini (divinité féminine tantrique) était porté lors de danses (Cham en tibétain) de monastères, en particulier lors du très sacré rituel du Kalachakra (qui signifie « la roue du temps »), un enseignement parmi les plus profonds du bouddhisme tantrique visant à transformer en profondeur l’être de celui qui le reçoit.
Les grands masques représentent des esprits d’ancêtres. Ils étaient conservés précieusement dans la maison des hommes. Ils n’étaient ensuite utilisés que lors des grandes festivités ou pour accomplir des transactions importantes.Celui-ci a été collecté dans la baie de Monumbo (Papouasie-Nouvelle-Guinée), entre 1887 et 1889, par Arthur Baessler (1857-1907). Il correspond stylistiquement à ce que l’anthropologue Heinz Kelm (1925-1983) appelait le Schnabelstil, pour désigner le « style du nez en bec », typique des régions du bas Sepik, des lacs Murik, du fleuve Ramu et de certaines régions côtières proches de l’embouchure du Sepik.
Selon les Inuits, chaque animal possède une âme, appelée Inua (ou Yua chez les Yupiit). La fabrication du masque débute par la collecte du bois, puis le sculpteur suit les directives du chaman pour la forme du masque cérémoniel. Il termine par l’ajout des différents éléments rapportés, tandis que les ellanguat, grands cerceaux de bois sertis de plumes, symbolisent les différents mondes qui composent l’univers inuit. L’âme de l’animal, en relation avec le chaman, met alors son corps à disposition des humains, déterminant ainsi les périodes d’abondance ou de famine.
Les arts de la Nouvelle-Irlande sont centrés sur les cérémonies malagan. Les masques Tatuana dansaient par paire ou en groupe pour clôturer les cérémonies de funérailles. La coiffe et la large mâchoire dentée sont tout à fait caractéristiques de cette typologie de masques.
Ce masque, en forme de lion stylisé, inspiré du Shishi, un lion gardien chinois, est toujours porté lors de la danse du lion, censée éloigner les mauvais esprits, dont l’apparition dans les sanctuaires shintō remonte au milieu du VIIIe siècle.
Recouvert de kaolin sur la face – le blanc est la couleur de la mort –, ce masque représente un ancêtre disparu du clan. Il était sorti lors des funérailles de personnages importants. De type minimaliste avec son double arc de sourcils, ses yeux sont fendus horizontalement et son nez en triangle.
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Le masque, symbole incontesté de l’art premier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°767 du 1 septembre 2023, avec le titre suivant : Le masque, symbole incontesté de l’art premier