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Euro 2016

Le football entre au musée

De nombreux musées ont choisi de consacrer, avec plus ou moins de pertinence, leur programmation estivale au ballon rond, en particulier à sa dimension sociale et politique.

Ce n'est que très récemment que les chercheurs et les artistes daignent se saisir de cet objet profane qu'est le football. En sociologie ou en arts plastiques, la légitimité de ce sport en tant qu’objet d’étude est nouvelle, surtout en France, mais elle a fini par s’imposer, à l’aune de son pouvoir médiatique. Dans les dix villes hôtes de l’Euro 2016, de nombreuses expositions sont consacrées au football et à son univers populaire.

L’exposition que présentent les Archives nationales, sur leur site de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), figure parmi les plus pertinentes. « Le foot, une affaire d’État » décrypte les liens entre pouvoir politique et ballon rond depuis un siècle. Produite avec le concours des fonds d’archives de l’Union européenne des associations de football (UEFA) et du journal L’Équipe – la Fifa brille par son absence –, la visite vaut surtout pour l’exhumation d’un grand nombre de documents officiels, dont certains sont montrés pour la première fois. L’exposition se découpe en trois parties chrono-thématiques, précédées d’une introduction toute en images au propos un peu moins lisible. Ensuite, le cheminement est clair, instructif et toujours facile d’accès.

Les Archives déploient un certain talent de vulgarisation pour dépeindre, en quatre épisodes très synthétiques, les enjeux politiques de quatre compétitions majeures : Coupe du monde 1938, Championnats d’Europe 1960, Euro 1984 et Coupe du monde 1998. Du lien entretenu avec les régimes fascistes italien et allemand jusqu’à la récupération politique de la victoire française en 1998, ces quatre moments associent images rares et icônes médiatiques, télégrammes interministériels et dimension budgétaire pour mesurer la prise en considération du football par le monde politique, et inversement.

La deuxième partie repose sur un travail d’archives plus classique, concernant les stades, leurs architectures successives et l’importance (ou le retard) de l’investissement public. Enfin, la section foot comme « caisse de résonance » des enjeux de société est un pot-pourri qui permet de survoler un grand nombre de sujets (foot à l’arrière des tranchées, émergence du foot féminin, hooliganisme, foot et immigration…). L’équilibre est préservé entre la quantité d’informations disponibles et la volonté de rester accessible. Certains documents valant plus pour leur existence que pour leur contenu immédiat, on regrette toutefois l’absence d’audioguide pour cette exposition installée à deux stations de métro du Stade de France.

« Divinement foot ! »
À l’inverse, le Musée d’histoire de Lyon (Musées Gadagne) accompagne son exposition « Divinement foot ! » d’un audioguide très dynamique, mais qui n’apporte rien de plus aux cartels, si ce n’est un petit quizz interactif. Le parcours, en dix étapes thématiques, file ici la métaphore religieuse : « Les puissances supérieures, les valeurs, les saints et les idoles, le lieu de l’action, les rituels » donnent lieu à autant d’espaces sommaires, composés de maillots, de photographies, d’accessoires footballistiques. Sur le modèle d’un musée d’arts et traditions populaires, le Musée d’histoire de Lyon assume le caractère profane et la faible valeur matérielle des objets montrés. Dommage cependant que la mise en regard des calices et des coupes sportives ou la reprise des images pieuses à l’effigie de Maradona ne soient pas plus étayées d’un point de vue scientifique, de nature sociologique, philosophique ou historique – les angles d’attaque ne manquent pas.

L’exposition apparaît comme artificiellement intégrée au magnifique bâtiment d’ordinaire dévolu à une histoire plus savante. Le visiteur repart avec le sentiment d’un parcours ludique mais convenu. « Divinement foot ! » voyage dans la dizaine de villes européennes dont les musées d’histoire urbaine respectifs ont coproduit l’événement.

Si la partie principale de l’exposition, commune à toutes les stations, est décevante, la documentation des spécificités lyonnaises est de meilleure facture. Elle bénéficie notamment de la riche collection du journaliste spécialisé Vincent Duluc. Le musée a aussi acquis sept vidéos sur « l’expérience de supporteur », commandées à cette occasion à Péroline Barbet et Alexis Jacquand.

À Bordeaux, Lille, Marseille, Paris…
À Bordeaux, le Musée d’Aquitaine a choisi une vision panoramique des enjeux du football, explorant sa dimension identitaire, son rapport à la mondialisation, son caractère de spectacle, et présente plusieurs œuvres de qualité au sein de l’exposition « Football : à la limite du hors-jeu ». À Paris, sur les grilles de l’Hôtel de Ville, des écrivains de renom dressent un portrait écrit de joueurs de légende.
 
À la Friche la Belle-de-Mai, à Marseille, un photographe contemporain, Lionel Briot, expose ses prises de vue de supporteurs sous le titre « Vélodrome, le douzième homme ». De nombreuses villes ont ainsi choisi de convier un photographe ou un vidéaste à donner son point de vue sur une dimension du football. À Saint-Étienne, la Cité du design se penche aussi sur le ballon (pas toujours) rond, tandis qu’à Nice, le Musée national du sport se concentre sur l’histoire des compétitions et leurs palmarès.
À la Grande halle de la Villette, à Paris, on trouve une des rares expositions artistiques et pluridisciplinaires d’ampleur consacrée au football, dans le cadre de l’événement « Foot foraine », également organisé à Lille et Marseille. En marge de la fête populaire, des jeux et des ateliers en plein air imaginés par l’équipe de Didier Fusillier, « La Grande Galerie du foot » reprend le principe de la Grande Galerie du Louvre. Le commissaire et critique d’art Jean-Max Colard y présente les genres artistiques – les portraits, la peinture d’histoire, puis l’arrivée de l’abstrait et des installations – sous un angle footballistique. Du fantastique film de Philippe Parreno et Douglas Gordon, Zidane, un portrait du XXIe siècle (2006), aux installations de Wim Delvoye ou d’Andreas Gursky, l’exposition maîtrise son sujet. Ici, point de caractère didactique maladroit, nul besoin de s’excuser de parler foot : dans une scénographie ludique, soignée et très pop, l’exposition de la Villette contribue ainsi à faire entrer le foot « au musée », en proposant une expérience artistique légitime aux passionnés comme aux néophytes.

Partout en France, le ballon a envahi les musées comme les maillots colorés les centres-villes. Si à l’automne vous pensez encore que le catenaccio est un peintre vénitien, vous serez définitivement perdu pour la cause.

Toutes les expositions

Foot foraine, jusqu’au 10 juillet, Grande halle de la Villette, 211, av. Jean-Jaurès, 75019 Paris (et aussi à Lille et Marseille), tél. 01 40 03 75 75, du mercredi au dimanche 14h-20h, lavillette.com, entrée 5 €.

Divinement foot !, jusqu’au 4 septembre, Musée d’histoire de Lyon, 1, place du Petit-Collège, 69005 Lyon, tél. 04 78 42 03 61, du mercredi au dimanche 11h-18h30, www.gadagne.musees.lyon, entrée 7 €.

Le foot, affaire d’État, jusqu’au 18 septembre, Archives nationales, 59, rue Guynemer, 93380 Pierrefitte-sur-Seine, tél. 01 75 47 20 02, tlj sauf dimanche, 9h-16h45, www.archives-nationales.culture.gouv, entrée libre.

Football, À la limite du hors-jeu, jusqu’au 30 octobre, Musée d'Aquitaine, 20, cours Pasteur, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 01 51 00, tlj sauf lundi 9h-12h30, 13h30-17h, www.musee-aquitaine-bordeaux.fr, entrée 6,50 €.

Légende Photo :
Fondation Raffy, Avé la main, triptyque. © Fondation Raffy.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Le football entre au musée

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