CHANTILLY
La collection de dessins orientalistes du duc d’Aumale est née de son amour pour l’Algérie, mais a aussi été constituée à la mémoire de son frère qui en avait fait la conquête.
Chantilly (Oise). Le Musée Condé ouvre les commémorations du bicentenaire de la naissance de son fondateur, Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), en présentant sa collection de dessins orientalistes. Au printemps 1840, Aumale avait été nommé officier d’ordonnance de son frère, Ferdinand Philippe, duc d’Orléans, en partance pour sa troisième campagne en Algérie. Après la mort accidentelle de celui-ci en 1842, il devenait commandant de la province du Titteri et, en 1843, prenait la smala d’Abd el-Kader. En octobre 1847, il accéda au gouvernorat général de l’Algérie, quittant définitivement le pays en 1848 après l’abdication de son père, Louis-Philippe. Il s’installait alors en Angleterre dont il ne reviendrait qu’en 1871.
Avant son exil, Aumale n’était pas collectionneur. Les trente-neuf feuilles et albums orientalistes exposés sont présentés de manière thématique. Cependant, la commissaire, Nicole Garnier-Pelle, montre dans le catalogue à quel point ces pièces sont liées à la vie du prince. Celui-ci fit d’abord l’acquisition du dessin préparatoire à la gravure exécuté par Édouard Girardet en 1846 d’après le tableau d’Horace Vernet Prise de la smalah d’Abd el-Kader le 16 mai 1843. Puis le capitaine Jean Fournier, un camarade de combat, lui offre en 1847 deux beaux pastels de sa main évoquant des souvenirs communs d’Algérie. En juin de la même année, un autre artiste militaire, le capitaine Philippe Brunot de Rouvre, lui donnait un album de Souvenirs de Médéah (1846) dont une vue de L’Ancienne Résidence des beys de Tittery et d’Abd el-Kader, palais qu’occupait le prince.
C’est pendant l’exil, entre 1864 et 1869, et grâce à des relais en France, qu’a été constitué l’essentiel de la collection orientaliste. Le fil directeur est clairement un hommage du duc d’Aumale à son frère aîné disparu, mécène et collectionneur mais aussi inspirateur d’œuvres commémorant ses faits d’armes en Algérie. Ainsi, le duc d’Orléans s’était illustré en achetant L’Assassinat de l’évêque de Liège (1829) à Eugène Delacroix, dont il posséda en tout cinq tableaux. C’est sans doute en souvenir de ce mécénat que le duc d’Aumale acquiert en 1864, à la vente après décès du peintre, L’Album rouge de ses dessins du Maroc (1832). Le duc d’Orléans avait été conquis par Marius défait les Cimbres (1833) d’Alexandre Gabriel Decamps, alors considéré comme le chef de l’école orientaliste. Ce précédent a probablement conduit le duc d’Aumale à acheter, en 1865 et 1866, des œuvres majeures sur papier de ce peintre. Adrien Dauzats avait accompagné l’expédition de 1839 du duc d’Orléans et était resté proche du duc d’Aumale : celui-ci a emporté plusieurs aquarelles liées à cette campagne à sa vente après décès. C’est en indépendant puis sur ordre de Louis-Philippe que le peintre et illustrateur Félix Emmanuel Philippoteaux (1815-1884) avait suivi les deux frères en Algérie pour documenter l’expédition de 1840. Grâce aux amis du Musée Condé, un lot de feuilles de sa main a pu être acquis en 1995. Ainsi, le musée entretient à son tour le souvenir de l’amour fraternel des princes d’Orléans.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : L’Algérie des Orléans