VENISE / ITALIE
Le Palazzo Grassi offre à l’artiste américaine une exposition personnelle augmentée d’œuvres de son cercle d’artistes.
Venise. Julie Mehretu fait partie des artistes les mieux représentés dans la Pinault Collection, qui avait déjà montré deux de ses grands tableaux en 2011 dans l’exposition « Éloge du doute » à la Punta della Dogana. Dix-sept des toiles présentées dans cette nouvelle exposition à Venise proviennent donc du fonds, les autres ayant été prêtées par des collections privées et musées internationaux ou étant issues de la collection personnelle de l’artiste. En tout, l’accrochage réunit une cinquantaine de tableaux et dessins réalisés au cours de ces vingt-cinq dernières années, parmi lesquels un ensemble très récent. Julie Mehretu est connue pour ses tableaux abstraits, parfois monumentaux, dont les multiples strates créent une impression de profondeur. Née en 1970 en Éthiopie et installée aux États-Unis, elle a bénéficié d’expositions dans les plus grands musées américains tels que le MoMA ou le Whitney Museum à New York.
Bien que le parcours ne procède pas de façon chronologique, on peut distinguer plusieurs périodes : la décennie 2001-2011, où elle commence à réaliser de grands formats, à l’exemple de Black City (2007). L’œuvre est caractéristique de la pratique qu’elle a alors mise en place, consistant à tracer sur la toile des lignes et des plans évoquant des architectures. On peut aussi y voir une influence, ou une référence, aux avant-gardes modernistes, de Kandinsky à Mondrian, pour la géométrie et les couleurs franches. Le dessin en noir et blanc y tient ainsi une place importante, la peinture venant après, par touches. Dès 2012, ces paysages ordonnés en filigrane laissent place à un champ de ruines, sans doute en écho à une actualité marquée par la guerre au Moyen-Orient. La couleur se retire, la toile s’obscurcit, comme voilée par un écran de poussière et de fumée (Conjured Parts (Epigraph), Aleppo, 2016). Le geste libéré tend aussi vers une forme de calligraphie, d’écriture (Chimera, 2013).
La couleur revient en force dans les séries suivantes, tandis que l’actualité s’impose en toile de fond sous la forme de reproductions de photos floutées. L’image, aussi dramatique soit-elle, disparaît cependant parfois totalement de l’œuvre qu’elle a inspirée, donnant à comprendre le processus de création de l’artiste. Ainsi du cliché de l’incendie du musée de Rio de Janeiro, en 2018, que Mehretu soumet à plusieurs manipulations (le retournant, le transposant en noir et blanc à l’aérographe, en gommant les contours…), jusqu’à obtenir des masses sombres et claires, fixées sous une couche transparente poncée : dans ce Maahes (Mihos) torch (2018-2019, [voir ill.]), l’image source a finalement disparu. On pourrait dire la même chose de Ghosthymn (after the Raft) (2019-2021) pour lequel l’artiste cite en référence le Radeau de La Méduse de Géricault. Il est important de savoir que Julie Mehretu a étudié, au cours des années 1990 qui précèdent ce corpus, les techniques d’impression et de photogravure, qu’elle maîtrise remarquablement et utilise pour renouveler les possibilités de son expression. Tout en poursuivant un dialogue stimulant avec des artistes amis : Nairy Baghramian, Huma Bhabha, Robin Coste Lewis, Tacita Dean, David Hammons, Jason Moran, Paul Pfeiffer, Jessica Rankin… Une trentaine d’œuvres de ce cercle proche viennent ainsi compléter ce solo dans un jeu de correspondances qui offre quelques séquences très réussies.
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Julie Mehretu et ses amis
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : Julie Mehretu et ses amis