Le musée consacré à Frans Hals confronte le peintre aux artistes du siècle d’or néerlandais. Malgré son ambition affichée, la démonstration manque d’arguments.
HAARLEM - Pour célébrer son 100e anniversaire, le Musée Frans Hals, à Haarlem (Pays-Bas), a voulu immerger ses visiteurs dans le contexte créatif du siècle d’or néerlandais, où s’épanouit, il y a près de quatre siècles, ce peintre réputé pour l’expressivité de ses personnages. À l’organisation d’une rétrospective monographique, les équipes du musée ont donc préféré la confrontation de Frans Hals (1580/1583-1666) à ses contemporains. Souhaitant « montrer comment les artistes s’enrichissaient les uns les autres, relevant des défis artistiques dans une course folle à l’innovation », explique le directeur de l’institution, Karel Schampers. « Quand on peut comparer les œuvres de grands peintres sur un même sujet, il se passe quelque chose de magique : notre œil perçoit les emprunts des uns et des autres tout comme la spécificité de chacun », ajoute la commissaire, Anna Tummers. Pour cette exposition, « la plus périlleuse de sa carrière », celle-ci s’est entourée de jeunes historiens de l’art prompts à apporter des idées neuves.
Le procédé de la confrontation est certes séduisant. Mais, dès les premières salles, il ne tient pas ses promesses tant les rapprochements semblent approximatifs. La présence d’un Titien tardif très moyen (et probablement inachevé), Enfant avec des chiens, et d’un petit tableau de Tintoret (qui n’est pas à la hauteur du génie du maître italien), sont ainsi censés évoquer la manière « brute » de Frans Hals. Entre la « manière fine » de Brueghel et celle de Titien et de Tintoret que lui présentait son maître Karel van Mander, Hals aurait en effet choisi la seconde option. Rien ne prouve pourtant que Frans Hals ait pu, un jour, voir une œuvre de ces deux figures de la Renaissance italienne. Qu’importe, « en confrontant leurs œuvres, le visiteur peut comprendre l’art de Hals », affirme Anna Tummers. L’argument est un peu léger et le reste du parcours se déroule sur ce mode peu convaincant. Les similitudes entre ce Garçon riant, œuvre de jeunesse de Frans Hals, et le Rieur (1629-1630) de Rembrandt paraissent moins évidentes que leurs différences de traitement. Il en est de même pour le célèbre Bouffon au luth (1623) du Musée du Louvre mis en regard avec le Chanteur s’accompagnant au luth de Dirck Van Baburen, réalisé un an plus tôt. Très vite, le jeu de la comparaison tourne court et aboutit à une démonstration fort scolaire. À quelques exceptions près. Ainsi de ce tableau à l’effigie de Jan Vermoelen (1616) signé Rubens dont s’est inspiré Van Dyck pour son Portrait d’un homme de 55 ans puis Frans Hals pour portraiturer Nicolaes van der Meer (1631). Ces trois portraits présentent des similitudes, tant dans l’attitude et l’expression du personnage que dans le traitement du fauteuil, dont l’étoffe précieuse témoigne du statut du modèle autant qu’il offre au peintre l’occasion de manifester l’étendue de ses talents.
Comparaison périlleuse
Malgré la faiblesse de l’argumentaire, impossible de bouder son plaisir face à certaines œuvres réunies pour cette manifestation dont l’objectif avoué est de « montrer ce que Frans Hals a apporté à l’âge d’or », comme le souligne Karel Schampers. Boudé par la critique du XVIIe siècle, Hals « n’était pas cet artiste isolé et peu apprécié que l’on nous décrit trop souvent », insiste Anna Tummers, en citant le catalogue raisonné paru en 2006. « Il était apprécié pour la vivacité et la liberté de son style par un grand nombre de ses concitoyens. » L’exposition entend réaffirmer son statut de peintre parmi les plus importants du siècle d’or néerlandais. Redécouvert au XIXe siècle par le critique d’art français Théophile Thoré-Bürger et alors encensé par des artistes comme Van Gogh ou Manet, Hals peignait sans esquisse et appliquait une seule couche de peinture.
Présentés côte à côte, les portraits de groupe exécutés grandeur nature, tel le fameux Banquet des officiers du corps des archers de Saint-Georges (1616) qui lui valut son premier succès, donnent la mesure du talent de Frans Hals. Mais les œuvres appartiennent aux collections permanentes du musée et s’éloignent du propos de l’exposition qui confronte en fin de parcours l’œuvre tardif de Frans Hals avec celui de Rembrandt. Les Régentes de l’hospice des vieillards (1664) du premier font face à deux portraits signés du second, Jacob Trip et Margaretha de Geer (1661). Rembrandt remporte haut la main cette dernière manche. Preuve que le processus de la comparaison est aussi tentant que périlleux.
Commissaire : Anna Tummers, conservatrice au Musée Frans Hals
Nombre d’œuvres : 47
sous le regard de rembrandt, rubens et titien, jusqu’au 28 juillet, Frans-Hals Museum, Groot Heiligland 62, Haarlem, tél. 31 23 511 57 75, tlj sauf lundi, 10h-17h et 11h-18h dimanche et jours fériés. Catalogue (anglais), Editions nai010, Rotterdam, 160 p., 25 €.
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Hals face à ses contemporains
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Abonnez-vous dès 1 €Frans Hals - Le Joueur de luth (1623) - Huile sur toile - 70 x 62 cm - Musée du Louvre, Paris - © Photo RMN (Musée du Louvre)/Franck Raux.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°389 du 12 avril 2013, avec le titre suivant : Hals face à ses contemporains