Les musées de Grenoble et de Lyon exposent leurs acquisitions, achats effectués ou donations reçues au cours de la dernière décennie.
GRENOBLE, LYON - Ces dernières années, le mot « Acquisitions » apparaît souvent dans les titres des expositions de musées. Preuve de dynamique, démonstration de la volonté d’enrichir et de compléter les collections, ou, au contraire, aveu d’un manque de moyens qui oblige les conservateurs à construire des manifestations artistiques sans recourir à des prêts coûteux ?
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas simple coïncidence si deux musées principaux français – Lyon et Grenoble – présentent en même temps leurs acquisitions récentes. Soyons précis : il ne s’agit pas uniquement des achats, mais aussi des ajouts aux collections. Ajouts bienvenus, quand on connaît les budgets des musées. Ce sont donc également des dons, legs, dations ou encore dépôts qui sont exposés. Qui plus est, les achats ne sont pas faits uniquement par les musées : des associations, plus au moins actives (ou riches), leur viennent en aide.
Si les deux institutions font appel aux Amis du musée et aux mécènes, Lyon semble cependant être doté d’atouts exceptionnels. La réussite de l’opération, très médiatisée en 2008, de la souscription publique lancée pour l’achat de La Fuite en Égypte de Poussin, a été prolongée par la naissance à la fois du « Club du Musée Saint-Pierre », constitué d’entreprises de l’agglomération lyonnaise, et du « Cercle Poussin », composé de particuliers.
Un collage de Picasso
Pour présenter ces nouvelles œuvres, chaque musée a choisi une approche différente. À Grenoble, l’exposition est circonscrite à une série de salles, ce qui permet une vision d’ensemble. À Lyon, hormis les œuvres graphiques réunies à l’écart, les acquisitions – signalées par un panneau – sont intégrées à la présentation des collections permanentes.
S’agissant de deux musées « encyclopédiques » qui proposent des œuvres couvrant plusieurs siècles, il fallait prendre des décisions, parfois douloureuses.
Dans le cas de Grenoble, une évidence s’impose : l’accent est porté sur l’art du XXe siècle, sous le titre d’exposition accrocheur de « De Picasso à Warhol ». D’après les conservateurs, les œuvres ont été choisies selon trois axes : pour combler des lacunes dans les collections, pour enrichir des ensembles et pour conserver une trace des artistes contemporains qui furent présentés au musée.
À tout seigneur tout honneur ; le collage de 1914 (Verre) réalisé par Picasso est annoncé avec une fierté justifiée. Indiscutablement, il s’agit d’une œuvre historique et le musée ne possède que relativement peu de travaux cubistes. Pour autant, on peut être plus sensible à la splendide tête d’Artaud (Portrait de Marcel Bisiaux, 1947), vu l’extrême rareté d’œuvres signées de ce dernier. Plus contemporaine, la série « Carcasses » (2003) de Philippe Cognée reprend le thème du bœuf écorché. Série ou plutôt suite, car les 36 tableaux qui évoluent imperceptiblement évoquent une séquence cinématographique. Ailleurs, un visage inquiétant ou interrogatif de Mario Merz (Sans titre, 1960) est étonnant au regard de l’œuvre de ce représentant de l’Arte povera. Plus loin, une scène quotidienne théâtralisée par Jeff Wall (A woman consulting a catalogue, 2005, photographie sur caisson lumineux) ou un très beau Chaissac (La Belle Dame violette, 1961) témoignent de la qualité de ce choix éclectique qui cherche à diversifier plus encore un des meilleurs ensembles de l’art du XXe siècle en France. Les quelques œuvres plus anciennes, parfois intéressantes, ne possèdent pas la même puissance.
Moore et Michaux
À Lyon, l’étendue de la collection et sa diversité – peinture et sculpture, antiquités, médailles, objets d’art – obligent le visiteur à emprunter un parcours parfois labyrinthique mais émaillé de surprises. On y découvre Poussin et Jacques Stella, Fragonard et Antoine Coysevox, Ingres ou Adolphe Appian, pour ne mentionner que les plus connus. On peut aussi s’arrêter devant l’étonnant retable du XVe siècle, en provenance de Limoges, composé entièrement de plaques en cuivre recouvertes d’émail, ou devant un vase raffiné d’Émile Gallé.
La pièce de résistance est toutefois la salle des arts graphiques et ses travaux époustouflants qui vont du XVIe siècle à nos jours. Pour se cantonner aux œuvres contemporaines, on peut être émerveillé par les deux aquarelles irradiantes de Michaux, par les deux « dessins de sculpteur » de Henry Moore ou par la gouache de Geer Van Velde, Composition (1958). Ces œuvres rattrapent partiellement les lacunes de la partie de la collection consacrée au XXe siècle, le point faible de Lyon, par contraste avec la richesse des autres périodes. Même si un effort tente de combler ces manques (avec plusieurs toiles de Soulages, une tête de Fautrier, une sculpture d’Étienne-Martin), les prix prohibitifs constituent un sérieux frein.
Cerise sur le gâteau : une œuvre de Geneviève Asse, exposée actuellement, d’une délicatesse infinie (Couleurs dans l’espace, 1996). L’œuvre est un don de l’artiste. Est-il plus belle acquisition ?
GRENOBLE
Commissaire : Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble
Nombre d’artistes : 56
Nombre d’œuvres : une centaine
LYON
Commissaire : Sylvie Ramond, directrice du Musée des beaux-arts
Nombre d’artistes : 160
Nombre d’œuvres : environ 300
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Grenoble et Lyon font le bilan de leurs acquisitions
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Légende photo
Philippe Cognée, Carcasses, 2003, détail, série de 36 tableaux, peinture à la cire sur toile, 70,5 x 47 cm chacun, collection Musée de Grenoble. © Photo : Jean-Luc Lacroix.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : Grenoble et Lyon font le bilan de leurs acquisitions