XXE SIÈCLE

Eveli Torent, du cabaret à la revue

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2024 - 481 mots

Le Musée national d’art de Catalogne sort de l’oubli ce peintre et illustrateur catalan.
Barcelone (Espagne). Après Antoni Fabrés en 2019 et Feliu Elias en 2022, le Musée national d’art de Catalogne (Mnac) poursuit son programme de réhabilitation d’artistes catalans oubliés avec la présentation cet automne du moderniste Eveli Torent (1876-1940), témoin du début du siècle dernier.

Le Mnac propose un parcours chronologique qui suit les diverses évolutions stylistiques d’Eveli Torent. Nombre de ses œuvres sont présentées pour la première fois. L’ensemble retrace une carrière amorcée au mythique café Art nouveau Els Quatre Gats (Les Quatre Chats) à Barcelone, où l’artiste expose aux côtés des Catalans Ramon Casas, Santiago Rusiñol et devient l’ami de Carles Casagemas et de Picasso. Il réalise alors des paysages et des portraits où se mêlent des inspirations tantôt académiques, tantôt mystiques, sa pratique évoluant par la suite vers des compositions figuratives singulières. Sa carrière se poursuit à la célèbre galerie Berthe Weill à Paris, où il rencontre Raoul Dufy et Jean Metzinger et s’intègre à la scène artistique parisienne.

En phase avec la modernité, Eveli Torent mène une activité fructueuse d’illustrateur de publicité, réalisant des affiches Art nouveau dans la veine de Mucha (1860-1939) pour la marque catalane Anís Perla à Barcelone, puis à Paris pour plusieurs magazines français de renom tels que L’Assiette au beurre et La Vie parisienne, dès 1901.

L’exposition fait la part belle aux scènes de genre, abondantes dans le travail de Torent. Alors qu’il connaît un certain succès à Paris grâce à ses participations au Salon des indépendants, l’artiste effectue un voyage inspiré en Bretagne en 1903, où il dépeint, dans ses compositionsPromenade du soir et Bretonnes, des paysannes en tenue traditionnelle et des vues pittoresques de la bourgade de Sainte-Anne-La Palud. De retour en Espagne, il continue de représenter la vie locale, dans des coloris plus vifs, en particulier dans sa toiles Deux Espagnoles (1904-1906) aux couleurs flamboyantes, qui lui apporte une certaine renommée parisienne. L’artiste est par la suite associé au courant artistique espagnol du costumbrismo, qui s’emploie à refléter fidèlement les coutumes et usages sociaux.

La vie locale, en Bretagne ou en Espagne
Sa carrière de portraitiste connaît également une période heureuse aux États-Unis, à New York où il travaille de 1910 à 1921, installé dans une communauté hispanophone tournée vers la franc-maçonnerie dont il fait le portrait, puis en Argentine où il effectue un voyage en 1920 et réalise un portrait hypnotique sur fond rouge du compositeur catalan Enric Morera, présenté comme l’une des pièces maîtresses de l’exposition.

À partir de 1922, Eveli Torent se fait plus rare sur la scène artistique et s’installe à Ibiza, recevant chez lui en tant que « calife de es Palleret » [du nom d’un îlot proche, ndlr], où il exerce une activité maçonnique jusqu’à la fin de sa vie, ce qui lui vaut d’être emprisonné par le gouvernement de Franco en 1939, un an avant sa disparition.
Eveli Torent. Entre Els Quatre Gats et la franc-maçonnerie,
jusqu’au 16 février 2025, Musée national d’art de Catalogne, Palau Nacional, Parc de Montjuïc, s/n, Sants-Montjuïc, Barcelone.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°643 du 15 novembre 2024, avec le titre suivant : Eveli Torent, du cabaret à la revue

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