Photographie

Paris

Erwin Blumenfeld à l’avant-garde

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2013 - 498 mots

La rétrospective organisée par le Jeu de paume peine, par défaut de sélection et de hiérarchisation, à mettre en valeur la cohérence du parcours du photographe de mode.

PARIS - Ceux qui pourraient s’attendre à (re)découvrir dans la rétrospective d’Erwin Blumenfeld du Jeu de paume, à Paris, les photographies de mode inventives du célèbre photographe, comme le laisse supposer la campagne d’affichage, seront déçus. Sa commissaire, Ute Eskildsen, ancienne directrice adjointe et responsable des collections photographiques du Musée Folkwang à Essen, a limité la partie la plus connue et la plus virtuose de l’œuvre au dernier espace du parcours. S’y concentrent, sans véritable respiration, clichés de mode et couvertures audacieuses réalisées en couleurs pour Vogue ou Harper’s Bazaar. Le propos de l’exposition est ailleurs : il vise à montrer, démontrer, la continuité de l’œuvre depuis les premiers croquis, dessins, collages, photomontages et caricatures exécutés avec grand talent déjà entre 1916 et 1933, à Berlin puis à Amsterdam, et inédits pour la plupart. Dès cette période, l’expérimentation des formes et la subversion de son art, espiègle ou corrosif, s’aiguisent et collent aux avant-gardes dadaïste et surréaliste tout en reflétant la montée du nazisme et des menaces qui feront de Blumenfeld, né à Berlin en 1897, un exilé aux Pays-Bas puis en France avant qu’il ne  rejoigne les États-Unis.

Les photographies qui suivront cette période, et se succèdent dans les espaces du Jeu de paume, soutiennent cette appétence pour l’expérimentation perceptible dans les portraits ou nus, ici développés pour chacun dans une salle avec moult tirages noir et blanc, bien trop nombreux et d’inégale valeur. La sélection aurait gagné à être resserrée pour donner plus de rythme et de place aux réalisations en couleurs, que l’on aurait aimé voir se développer en deuxième partie et non en conclusion. La narration analytique d’Ute Eskildsen n’aurait rien perdu de sa profondeur ni de sa pertinence. Au contraire, elle aurait gagné en intensité et en force.

Facéties
Portraits de face et/ou de profil et nus féminins, répartis chacun dans des espaces propres, développent différentes techniques très en cours alors chez les artistes de la Nouvelle Vision comme chez Man Ray, à qui Erwin Blumenfeld voua une grande admiration, perceptible dans certains tirages et prises de vue.

Distorsion, solarisation, surimpression ou rayogramme : le photographe expérimente et développe autour de son sujet de prédilection – la femme – son propre vocabulaire visuel. La photographie noir et blanc l’emporte à partir des années 1930, à différentes époques, sur le dessin et l’autoportrait, et, dans cette même gamme de couleurs, déploie très tôt les facéties de leur auteur. L’humour est l’un des traits de caractère dominant du photographe dont les dernières images politiques, Hitler gueule de l’horreur (1933) ou Minotaure/Dictateur (1937), relèvent du mordant et du piquant d’un homme à la création intimement associée à son vécu. Leur présentation, curieusement dans la salle réservée aux photographies d’architecture, renforce cependant le sentiment d’un propos qui n’a pas trouvé son temps, dans les espaces du Jeu de paume.

Erwin Blumenfeld, photographies, dessins et photomontages,

jusqu’au 26 janvier 2014, Jeu de paume, 1, place de la Concorde, 75008 Paris, www.jeudepaume.org, mardi-dimanche 11h-19h, nocturne mardi jusqu’à 21h. Catalogue, coéd. Jeu de paume/Hazan, 262 p., 35 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : Erwin Blumenfeld à l’avant-garde

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