L’exposition « Tomorrow Now/When Design meets Science Fiction » joue davantage de l’imagerie de la science-fiction qu’elle ne montre ses liens avec le design.
LUXEMBOURG - Montrer les liens entre design et science-fiction du début du XXe siècle à aujourd’hui, tel est l’objectif de l’exposition « Tomorrow Now/When Design meets Science Fiction » [« Demain maintenant/Quand le design rencontre la science-fiction »] proposée par le Musée d’art moderne Grand-Duc Jean de Luxembourg, à l’occasion de la manifestation « Luxembourg, capitale européenne de la Culture 2007 ». Le lieu n’est pas anodin. La légende veut, en effet, que ce soit un Luxembourgeois de naissance, Hugo Gernsback (1884-1967), qui ait inventé, en 1929, le terme anglo-saxon de « science-fiction ». Émigré aux États-Unis dès l’âge de 20 ans et fasciné par les relations entre science et technologie, il y édita des dizaines de revues sur le sujet (Air Wonder Stories, Amazing Stories, Scientific Detective Monthly, Science Wonder Stories…). On peut d’ailleurs voir, en ouverture de l’exposition, une série splendide de couvertures originales de ces publications au graphisme délicieusement effrayant. Suivent, au fil d’un parcours thématique, quelque huit cents objets et œuvres d’art.
L’une des pièces les plus passionnantes est un projet conçu par le scénographe et décorateur de théâtre Norman Bel Geddes, qui fut aussi l’un des pionniers du design industriel américain. En 1939, pour son pavillon de l’Exposition Universelle de New York, la firme General Motors lui commande, en effet, une « cité du futur » censée représenter ce à quoi ressemblera la ville en… 1960. Bel Geddes imagine Futurama, une métropole truffée de gratte-ciel, voies rapides, échangeurs autoroutiers et feux de signalisations, avec, en périphérie, des fermes entièrement automatisées. Les visiteurs pouvaient alors découvrir la gigantesque maquette de cette ville futuriste grâce à un judicieux système de sièges tournant sur un tapis roulant. On regrette d’ailleurs de ne pas voir davantage que ces quelques photographies tant le sujet embrasse à merveille le propos.
Désir de conquête spatiale
Prises individuellement, certaines pièces ne peuvent que séduire, comme les dessins à l’encre de Chine de François Dallegret ou l’amusante et imposante Futuro Home construite en 1968 par l’architecte finlandais Matti Suuronen, une habitation tout en plastique et en forme de soucoupe volante, symbole très premier degré d’une époque qui lorgnait du côté de la conquête spatiale. En revanche, vue dans sa globalité, l’exposition s’avère confuse. D’abord, elle joue davantage avec l’imagerie de la science-fiction qu’elle ne montre véritablement les liens que cette dernière a tissés avec le design. Et lorsqu’elle les montre, ceux-ci ne sont pas toujours très probants. S’il est clair, par exemple, que la science-fiction a nourri l’imaginaire des designers de la période Streamline, les produits présentés – un photocopieur, une automobile Studebaker… – ne sont pas les plus emblématiques. Autre hic : l’exposition regarde le design à travers le prisme de l’art contemporain. À preuve, le nombre de pièces d’artistes qui s’affichent telles des énigmes : une photographie du transformiste Leigh Bowery – par Fergus Greer –, Oneness (2003), la ronde d’extraterrestres de Mariko Mori, les Six McCracken Columns de John McCracken, série de parallélépipèdes sombres et dressés qui singent laborieusement les alignements mégalithiques et le monolithe noir du film 2001, L’Odyssée de l’espace ou, pis, l’installation anonyme Manufacturing Human Cyborgs (SpermPalace) (1981-2007), une œuvre dérangeante et néanmoins intéressante en tant que telle. Qu’ont-elles véritablement à voir avec le design ? Pas grand-chose.
La confusion sourd aussi de la scénographie elle-même, due au designer français Mathieu Lehanneur. Très réussie dans la grande salle du premier étage où un gigantesque paysage sombre et dégoulinant accueille une armée de robots des années 1950-1960, elle devient excessivement envahissante ailleurs, interférant avec les pièces exposées. Ainsi, toujours au premier étage, on ne sait si ces deux « portails » animés sont une œuvre ou un fragment de la scénographie. Idem avec ces deux mini-dirigeables en mouvement et, au sous-sol, avec cette nuée de luminaires noirs et encombrants.
L’accrochage, enfin, se révèle perturbant, car il manque de mise en perspective. On imagine que le « chaînon manquant » sera le… catalogue (à venir). Reste qu’une exposition qui ne fonctionne pas comme une entité à part entière est toujours sujette à frustration.
- Commissaires de l’exposition : Alexandra Midal et Björn Dahlström
- Scénographie : Mathieu Lehanneur
- Nombre de pièces: plus de 800 réalisées par plus de 100 créateurs
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Design cherche science-fiction désespérément
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : Design cherche science-fiction désespérément