MOULINS
À Moulins, les costumes des personnages de contes de fées sont présentés au travers de productions scéniques très récentes.
Moulins (Allier). Dans un espace tendu de blanc vaporeux, des tutus-bustiers conçus par le couturier Dimitri Bouchène sont suspendus dans les airs. Ils témoignent des ballets chorégraphiés par Serge Lifar, grande figure de la danse classique du milieu du XXe siècle. L’un, en satin de soie jaune, a été réalisé pour une production de La Belle au bois dormant en 1948. L’autre, en mousseline et taffetas de couleurs pastel, pour habiller Blanche-Neige en 1951. Du haut de leurs 70 ans d’âge, ces atours qui ouvrent le parcours font un peu figure d’exception. Car l’exposition du Centre national du costume de scène (CNCS), qui montre comment les personnages de contes de fées ont été vêtus dans les ballets, opéras, pièces de théâtre ou spectacles de marionnettes, met plutôt en exergue des créations très actuelles. Certains vêtements étaient encore sur les planches il y a quelques semaines, tels les costumes très baroques du ballet Si Peau d’âne m’était conté (Compagnie de l’Éventail, 2015) ou ceux, plus quotidiens, venus de Vienne en Autriche, de l’opéra Hansel et Gretel (2015). « Nous voulions montrer que les contes sont encore présents sur la scène contemporaine », explique Martine Kahane, ex-directrice du CNCS revenue pour le commissariat de « Contes de fées », une exposition destinée, plus que jamais, à un large public. Le répertoire musical classique, qui a beaucoup puisé dans les contes de Perrault, de Grimm ou d’Andersen, est ainsi régulièrement convoqué, en particulier au moment des fêtes de fin d’année. Tchaïkovski, qui a mis en musique plusieurs féeries, est toujours d’actualité, comme l’illustre, dans une vitrine, la confrontation des costumes de deux productions de Casse-Noisette, conte peuplé de jouets et d’animaux imaginé par Hoffmann et revu par Dumas. Pour habiller les rats, le Ballet du Capitole de Toulouse (2009) s’appuie sur l’imagerie traditionnelle enfantine tandis que le Ballet du Grand Théâtre de Genève puise dans le monde de la haute couture.
Vêtir Cendrillon selon sa représentation dans l’imaginaire
Lorsque les créateurs s’attaquent aux contes, beaucoup de costumiers sont imprégnés d’historicisme. Pour vêtir Cendrillon, dans l’opéra de la fin du XIXe siècle signé du compositeur Jules Massenet, le parti pris du costumier Alain Blanchot en 2011 a été d’évoquer le XVIIe siècle, alors que Perrault ancrait ce conte populaire de tradition orale pour la postérité, avec des coiffures démesurées, des « fontanges », ridiculisant la coquetterie des méchantes sœurs de l’héroïne. Pour les costumes d’Alice au pays des merveilles (2010), Charles Cusick-Smith et Phil R. Daniels, costumiers britanniques recrutés par le Ballet du Capitole de Toulouse, se sont largement inspirés des célèbres dessins de Sir John Tenniel, en dotant le lapin blanc d’une élégante veste en tweed et les cartes à jouer de capuchons. L’illustrateur de la première édition des aventures d’Alice semble avoir figé à jamais l’iconographie d’Alice. Un peu comme Walt Disney avec Blanche-Neige. La célèbre robe jaune à manches ballons portée par la princesse du premier long-métrage animé des studios Disney (1937) est aujourd’hui indissociable de l’image de l’héroïne du conte de Grimm. Ce vêtement est d’ailleurs repris presque littéralement dans Barbe-Neige et les sept petits cochons au bois dormant, conte musical parodique de 2014.
Parmi les costumes présentés dans l’exposition, plusieurs sont susceptibles de remonter prochainement sur scène. Ils vont cependant séjourner plus longtemps que prévu au CNCS pour pallier le retard pris par la prochaine exposition. La manifestation consacrée à l’Opéra du Pékin ayant été annulée à la suite du désistement de ce partenaire chinois (qui a invoqué des délais trop resserrés), le CNCS souhaite prolonger « Contes de fées » pour effectuer la transition. « La grande majorité des prêteurs ont déjà répondu favorablement à cette demande », a confié Delphine Pinasa, directrice du CNCS.
Contes de fées, jusqu’au 16 septembre (prolongation à venir), Centre national du costume de scène (CNCS), Quartier Villars, route de Montilly, 03000 Moulins.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Cousus de fil d’or
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°501 du 11 mai 2018, avec le titre suivant : Cousus de fil d’or