À l’occasion des 120 ans de la création du cinématographe, l’Institut Lumière prend ses quartiers au Grand Palais et place sous les projecteurs l’aventure écrite par les frères pionniers du 7e art.
PARIS - Oubliez Paris et le Grand Palais : nous sommes à Lyon, rue du Premier-Film, le site historique des usines Lumière où, le 19 mars 1895, Louis Lumière posait son cinématographe et filmait les ouvriers regagner leur liberté après une dure journée de labeur. Considéré comme le premier décor de l’histoire du cinéma, le Hangar du Premier-Film est présent du début à la fin de « Lumière ! Le cinéma inventé », hommage teinté d’admiration au génie visionnaire de Louis et Auguste Lumière. Conçue et produite par l’Institut Lumière de Lyon, l’exposition revient aux racines de l’invention du Cinématographe, machine qui a bouleversé le monde moderne et qui, depuis 120 ans, n’a cessé d’évoluer.
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans… Louis Lumière (1864-1948) l’était tout à fait au moment d’inventer une plaque photographique sèche qui permet de réaliser des clichés instantanés. L’aventure (et la fortune familiale) Lumière ne fait que commencer car, portées par ce succès, les innovations se succèdent : papiers et pellicules photographiques, films radiographiques, produits chimiques et accessoires en tous genres… Nombreux sont alors ceux à travailler sur la production d’une image animée – Eadweard Muybridge, Thomas Edison ou encore Étienne-Jules Marey sont ici très vite évoqués –, les Lumières seront cependant les premiers à concevoir un appareil multifonctions, capable de filmer, de tirer des copies et de les projeter sur un écran. Le succès est immédiat, mais les frères gardent la tête froide et surtout le contrôle de leur création. L’ingénierie Lumière fait le tour de la terre, par le biais d’opérateurs œuvrant tels des envoyés spéciaux et à qui l’on doit aujourd’hui les premières images animées du monde entier. Parmi les autres innovations, citons l’autochrome qui délivre des photographies couleurs des plus raffinées, et surtout le film en relief dont le public des années 1930, peu enclin à porter des lunettes anaglyphes, s’est vite lassé.
Des innovations historiques
En écho à l’axe purement technique du propos, le parcours de l’exposition a fait l’heureux pari de multiplier les animations interactives et les dispositifs numériques. Le visiteur est invité à faire fonctionner des répliques modernes de dispositifs séculaires d’images animées comme le thaumatrope et le zootrope, à plonger le regard dans d’anciennes visionneuses, à s’immerger dans un paysage lointain grâce à une reconstitution du Photorama, ou encore à choisir parmi un catalogue de plus de 1400 films, dont un petit dixième a été restauré pour l’occasion grâce au soutien de la Fondation du Patrimoine. Le plat de résistance est ici une proposition de reconstitution par le décorateur Jacques Grange du Salon indien du Grand Café, sur le boulevard des Capucines à Paris où, le 28 décembre 1895, les frères Lumière organisaient la première séance publique payante d’une dizaine de leurs films. Le regard sur le passé est admiratif et sentimental, mais certainement pas nostalgique : le bouleversement du numérique est ici abordé avec sérénité, comme la suite logique de la boulimie créative des Lumière. Les réactions recueillies auprès de différents acteurs du monde du cinéma anglophone par le comédien Keanu Reeves dans un documentaire ne cachent pas, pour certains, quelques regrets – c’est ici le seul moment où Hollywood, contrée où l’art des Lumière a gagné sa véritable dimension industrielle, a le droit de cité. Si l’accès à la création s’est indéniablement démocratisé, force est de constater qu’avec la généralisation du visionnage de films sur des écrans individuels d’ordinateur, de tablettes ou de smartphones, l’émotion collective que le cinéma a pu faire ressentir au public de 1895 est en passe de devenir un lointain souvenir.
Le voyage dans le temps achève sa boucle sur six versions récentes de la Sortie d’usine, filmées en numérique devant le Hangar du Premier-Film par six cinéastes étrangers, tous styles et générations confondues (Quentin Tarantino, Pedro Almodovar, Xavier Dolan, Michael Cimino, Paolo Sorrentino et Jerry Schatzberg – où sont les femmes ?). Humoristiques, mélancoliques, poétiques ou délurées, les versions se suivent, mais ne se ressemblent pas.
La technique a beau avoir été réduite au strict minimum, la joie partagée de créer est, elle, demeurée intacte.
Commissaires : Thierry Frémaux et Jacques Gerber
Scénographie : Agence NC. Nathalie Crinière
Conception audiovisuelle : Harout Bezdjian
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Aux sources des Lumière
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 14 juin, Grand Palais, Salon d’honneur, 3, avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, www.grandpalais.fr, tlj sauf mardi et le 1er mai 10h-22h et dimanche-lundi 10-20h, entrée 13 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Aux sources des Lumière