MARSEILLE
Ça saute aux yeux dès qu’on pénètre dans son exposition marseillaise, rien n’est trop véhément pour Ai Weiwei, tout va dans tous les sens, et tout a terriblement de sens.
Cet artiste né à Pékin en 1957, fils de Ai Qing, un poète renommé emprisonné à plusieurs reprises tant dans la Chine de Tchang Kaï-chek que dans celle de Mao, a lui-même expérimenté dans sa chair la répression du régime totalitaire chinois contemporain. Qui a connu Ai Weiwei avant son emprisonnement de quatre-vingt-un jours en 2011 à la suite de sa mobilisation en faveur des droits civiques en Chine, puis son assignation à résidence jusqu’en 2015, témoigne qu’il n’est plus aujourd’hui le même homme. La brutalité des réalités humaines et politiques, en Chine, et aussi sur toute la planète, ont transformé cet artiste, qui collabora à la conception du Stade national de Pékin construit pour les Jeux olympiques de 2008, en homme révolté. Des cartes-réclames françaises des années 1875 à 1920, délibérément racistes, côtoient Restes (2014), des répliques en porcelaine d’ossements humains retrouvés sur le site d’un camp de travail chinois analogue à celui où le père de l’artiste fut déporté. Frontal, dur, réaliste, un extrait du film réalisé en 2017 par Ai Weiwei, Human Flow, témoigne de la violence de l’évacuation de la Jungle de Calais par les forces de l’ordre françaises. Non loin, sur le mur, on peut lire : « La nationalité, les frontières sont des limites données à notre intelligence, à notre imaginaire et à tous les possibles. » Dans la dernière salle, de spectaculaires lustres en cristal, clin d’œil aux décors clinquants des grands hôtels des mégapoles chinoises, sont fixés sur un grand porte-bouteilles, clin d’œil à Duchamp.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°716 du 1 octobre 2018, avec le titre suivant : Ai Weiwei, l’homme révolté