MARSEILLE
À Marseille, le Japonais Kengo Kuma réalise un bâtiment en matériaux bruts sur une parcelle complexe, multipliant les paliers et les effets… parfois manqués.
Après quelque trente années passées dans un ancien couvent plutôt intimiste du quartier de la Vieille-Charité, le Frac PACA a pris désormais ses aises non loin des quais de la Joliette, boulevard de Dunkerque, dans un édifice flambant neuf imaginé par l’une des stars de l’architecture nippone, Kengo Kuma. L’homme s’installe d’ailleurs de manière exceptionnelle dans le paysage culturel français, car il est aussi l’auteur d’un second Frac, celui de Franche-Comté. En revanche, contrairement à Besançon où il a privilégié le bois, à Marseille, Kengo Kuma s’est fait plus « brut », usant en priorité de béton, de métal et de verre. Le projet, lancé en 2007, a été inauguré le 22 mars dernier. Surface totale : 5 757 m2, dont 1 000 m2 d’expositions temporaires et 1 000 m2 de réserves. Coût des travaux : 21,5 millions d’euros TTC.
S’inscrire sur une parcelle d’une surface de 1 570 m2 au sol, qui plus est triangulaire, n’est pas des plus aisé. Ce terrain arborait, en outre, de nombreuses contraintes, comme une rue en pente ou des arrières de bâtiments existants. Pour Kuma, qui n’y va pas avec le dos de la cuiller (à thé), ce projet n’est rien de moins que « la version tridimensionnelle du “Musée sans murs’’ d’André Malraux ». Le fait est que l’édifice se révèle un brin compliqué, autant en plan que spatialement. On y circule comme « dans un œsophage », dit Kuma. Il faut effectivement avoir l’estomac bien accroché, car le Frac s’étend sous forme d’une multitude de plateaux aux surfaces diverses, chaque niveau correspondant à une fonction particulière avec, entre autres, quatre espaces d’exposition, des bureaux, un centre de documentation, un espace pédagogique, deux résidences d’artistes, un restaurant, sans oublier, au sous-sol, des réserves pour la collection tout entière, soit environ 1 000 œuvres de 450 artistes.
Une structure métallique trop imposante
La cité phocéenne n’est pas une étrangère pour Kengo Kuma : Marseille est même la première ville française qu’il arpenta. Il y débarqua, étudiant, pour aller visiter la Cité radieuse de Le Corbusier. Bref, la lumière méditerranéenne, il connaît. Pour le Frac, Kuma dit s’être inspiré du fameux livre de Tanizaki Junichiro, L’Éloge de l’ombre. « Pour amener la lumière naturelle douce à l’intérieur du bâtiment, de manière similaire aux cloisons en papier de riz japonais, j’ai voulu une peau constituée de panneaux de verre recouverts de gouttes d’émail, explique l’architecte. La façade devient comme un écran qui connecte l’intérieur avec l’extérieur. » Sauf que ces 1 500 éléments de verre nécessitent d’être maintenus par une structure métallique pour le moins imposante et leur « pixellisation » émaillée s’avère peu visible, ce qui, au final, réduit à néant l’effet escompté de légèreté.
À l’intérieur, Kengo Kuma a donc privilégié un aspect brut : murs de béton, garde-corps en panneaux métalliques perforés, éclairages au néon et chemins de câbles visibles. Fatalement, à Marseille, non loin des quais où les ferries desservent toute la Méditerranée, un bâtiment se doit d’avoir une proue. C’est le cas ici, le Frac se déployant en une « tour » dans sa partie nord, dans laquelle on trouve notamment, au rez-de-chaussée, un café-restaurant et, au deuxième étage, une terrasse. Une grande partie du mobilier, enfin, a fait l’objet d’une commande spécifique. Banque d’accueil, tables et assises ont été dessinées par le designer Bernard Moïse, qui a trouvé son inspiration dans… les caisses en bois qui protègent et transportent les œuvres d’art. Juste retour des choses !
Qui a dit que Marseille n’aimait pas l’art contemporain ? L’inauguration de son tout nouveau Fonds régional d’art contemporain, l’année de Marseille Capitale européenne de la culture, est l’occasion idéale pour la cité phocéenne de démentir sa mauvaise réputation, en proposant une ambitieuse programmation d’art actuel. Ainsi, de janvier dernier à décembre prochain, un itinéraire d’art contemporain, placé sous la figure tutélaire du héros mythologique Ulysse, sillonne tout le territoire de Marseille et de sa région (pays d’Aix, d’Arles, de Camargue, d’Aubagne, de Martigues, etc.). Réalisé et conçu par le Frac PACA, ce projet fait intervenir une quarantaine de partenaires, comme autant d’escales ; des centres d’art, des lieux patrimoniaux mais aussi des sites naturels.
Une programmation diverse et variée
La nature de ses événements, aussi, est extrêmement variée : expositions thématiques, monographiques, commandes et résidences animent le territoire, avec une concentration plus importante pendant l’été, temps fort de la manifestation. Dès le mois de juin, de grands événements sont effectivement attendus, à l’instar de l’exposition collective « Égarements », au Domaine départemental du château d’Avignon, aux Saintes-Maries-de-la-Mer (du 15 juin au 20 octobre). Celle-ci regroupe une cinquantaine d’œuvres d’artistes de premier plan – Jeppe Hein, Berdaguer & Péjus – et de plasticiens plus confidentiels, qui interrogent la notion de perte de repères et de confusion sensorielle dans l’art contemporain. Autres temps forts de l’été : l’artiste Nicolas Floc’h investit avec ses « Récifs » le Château d’If, à Marseille (du 28 juin au 8 septembre), et Ann Veronica Janssens l’église Saint-Honorat, à Arles (du 5 au 31 juillet).
« Ulysses, un itinéraire d’art contemporain », divers lieux de la région Provence-Alpes-Côte d’azur, www.fracpaca.org, jusqu’à fin décembre 2013.
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Un Frac PACA comme un œsophage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°658 du 1 juin 2013, avec le titre suivant : Un Frac PACA comme un œsophage