La Villa Arson met en scène les usages récents de citations formelles ou conceptuelles des principes de l’art minimal. Élégant mais parfois hors-piste.
NICE - Le minimalisme revient en force. Cette esthétique est présente chez nombre d’artistes, trentenaires ou quarantenaires, très marqués dans leur formation par les ruptures formelles et les transgressions conceptuelles qu’a représenté le développement de l’art minimal au cours des années 1960. Ils en réinterrogent aujourd’hui les principes fondamentaux, en maniant tant l’hommage que la contestation, avec des travaux qui n’offrent pas nécessairement un dehors minimaliste mais qui en intègrent ou en citent certains aspects.
Le centre d’art de la Villa Arson, à Nice, les met à l’honneur dans un accrochage ambitieux, clair et fluide, pensé comme « une succession d’expositions dans l’exposition », où le regard circule aisément d’une œuvre à l’autre. Ainsi, une salle intitulée « Crash » évoque-t-elle l’automobile et la question de « l’ergonomie de la peinture ». Rutilantes, les œuvres de Pascal Pinaud (Rosso Shoking Fiat, 1994, Blanc perle Chrysler, 2001) ou Vincent Szarek (Drip Drop, 2003) mêlent formes simples, matières industrielles et finitions parfaites. Plus loin, deux salles abordent les liens entre formalisme et décoration et achèvent de prouver à quel point le vocabulaire minimaliste a infiltré le monde contemporain à travers la production de mobilier et d’un large versant chic de l’architecture intérieure.
Quand Stéphane Dafflon met en parallèle des motifs identiques d’étoiles sur un poster et en volume au sol, ces dernières s’apparentent étrangement à des tables basses (Asto 19 20, 2001). Et les deux toiles monochromes noires de Hugo Pernet ne manquent pas d’évoquer, jusque dans leur titre, une paire d’enceintes (2 x 000 W, 2006). Finement pernicieux, Wade Guyton, avec des pages de magazine arrachées sur lesquelles il ajoute ses propres motifs (Sans titre, 2006), instille un processus d’érosion, une forme de déviance de cette esthétique minimale. Pour beaucoup d’artistes d’aujourd’hui, la pratique appropriationniste se fait davantage en référence à l’histoire qu’à la réalité.
Sont ainsi traités d’autres principes essentiels de l’art minimal, telles la neutralité, la primauté des structures primaires ou l’insertion de l’œuvre dans l’espace public avec notamment une paroi murale de Philippe Decrauzat, dont la base tronquée laisse clignoter de la lumière (A Change of Speed…, 2005-07). Une section permet même de revisiter l’exposition « Black, White and Gray », organisée en 1964 au Wadsworth Atheneum à Hartford, aux États-Unis, qui passe pour être la première exposition d’art minimal.
Manque toutefois à cet inventaire, assez curieusement, la question du contexte – pourtant fondamentale pour ce courant –, du lien entre l’œuvre d’art et l’espace environnant qui crée les conditions perceptuelles. Une question qu’éclaire fort bien l’exposition « Regard 02 : Minimalismes », qui se tient parallèlement dans le bâtiment dévolu à la Donation Albers-Honegger à l’Espace de l’Art Concret, à Mouans-Sartoux. En particulier avec la présence d’un banc en bois de pin de Donald Judd (Bank, 1982), qui dialogue ici fort justement avec la forêt de l’autre côté de la fenêtre.
L’exposition niçoise pose de plus un autre problème. Celui de la présence de travaux ou d’artistes qui n’ont manifestement rien à y faire. Quand François Curlet fait d’un détail agrandi du pull de Charlie Brown un drapeau en laine (Charlie’s Flag, 2005), il semble peu probable qu’il ait eu le minimalisme à l’esprit. Enfin, la dernière salle, intitulée « Décharge », veut évoquer des gestes à l’expressivité plus ou moins affirmée, tels que froisser ou déchirer, qui referaient surface en contradiction avec la perfection minimale. Elle donne à voir une œuvre de Jim Lambie en sacs plastique d’où dégouline de la peinture (Plaza, 1999). Même si l’argument en soi peut paraître spécieux (on a vu des papiers froissés ailleurs qu’en réaction au minimalisme), la présence de cet artiste surprend, tant ses préoccupations sont à mille lieux de ces considérations historiques.
À trop vouloir puiser dans le passé, les justifications de l’art d’aujourd’hui s’aventurent parfois sur un terrain glissant, voire dangereux.
- À MOITIÉ CARRÉ, À MOITIÉ FOU, jusqu’au 10 juin, Villa Arson, 20, avenue Stephen Liégeard, 06105 Nice, tél. 04 92 07 73 73, www.villa-arson.org, tlj sauf mardi 14h-18h. Catalogue à paraître. - REGARD 02 : MINIMALISMES, jusqu’au 15 septembre, Espace de l’Art Concret/Donation Albers-Honegger, Château de Mouans, 06370 Mouans-Sartoux, tél. 04 93 75 71 50, http ://art.concret.free.fr, tlj sauf lundi 11h-18h.
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Un art « ad minimal »
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Abonnez-vous dès 1 €A moitié carré, à moitié fou - Commissaires : Vincent Pécoil, Lili Reynaud-Dewar, Elisabeth Wetterwald, critiques d’art - Nombre d’artistes : 49 - Nombre d’œuvres : 60 Regard 02 : Minimalismes - Commissaire : Jean-Marc Avrilla, directeur de l’Espace de l’Art Concret - Nombre d’artistes : 12 - Nombre d’œuvres : 21
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Un art « ad minimal »