Sous le titre « Le proche et le le lointain », une exposition au domaine de Kerguéhennec réunit une quinzaine d’artistes d’horizons divers.
KERGUÉHENNEC - L’exposition collective est un genre dont la légitimité pourrait constituer un objet de discussion sans fin. Quelle place doit prendre son concepteur ? Doit-il – faute de s’effacer derrière les artistes – poser l’argument d’un thème, ou assumer pleinement ses choix ? Et d’abord, quels sont les bons choix et les bons thèmes ?.. En prenant comme intitulé « Le proche et le lointain », Frédéric Paul, directeur du centre d’art du domaine de Kerguéhennec, a botté en touche, dans une friche à la lisière de tout. Comme il l’a écrit aux artistes invités : « Le proche et le lointain, on en est d’accord, c’est à l’évidence plutôt vague, mais le prétexte de l’exposition prête ainsi à de multiples interprétations, or cette diversité est une composante nécessaire, sans être la finalité de l’expérience. »
Ouvrant l’accrochage, la photographie de Gabriel Orozco Isla dentro de la isla (1993), qui place New York dans un jeu d’échelle architectural et social en redoublant l’image du World Trade Center par des planches de bois, ne serait donc qu’une version des faits.
Car, entre le proche et le lointain, il y a de l’espace, mais aussi du temps, des gens, des paysages, des histoires, des instants… et des œuvres de Lara Almarcegui, Marie José Burki, Didier Courbot, Anne Daems, Harrell Fletcher, Emma Kay, Aleksandra Mir, Oliver Musovik, Roman Ondák, Julian Opie, Benoît Platéus, Étienne Pressager et Jean-Jacques Rullier, entre autres. Certaines sont peu convaincantes, comme les clichés d’un quotidien insolite mais usé d’Anne Daems, les effets photographiques de Benoît Platéus ou le parapluie géant et naïf d’Aleksandra Mir. Dans les plus marquantes, les interrogations sur la géographie sont omniprésentes. Celle-ci est d’abord une affaire de souvenirs, si l’on se réfère au planisphère approximatif dessiné au crayon par Emma Kay (Map of the World from Memory, 1999). Mais chez Julian Opie, elle fonctionne comme un motif générique et collectif. Les deux acryliques de London Skyline (1994), noyées dans leurs atours picturaux (de la brume et des lueurs), se présentent telles deux images stéréotypées, transposables aux quatre coins du globe. Le voyage sans titre (Untitled Journey, 2003) de Roman Ondák n’a, lui non plus, aucune localisation précise, il est une suspension dans une trajectoire. Après un long périple en train, l’artiste a demandé à ses proches d’imaginer des situations de transit pour lui-même. La douzaine de dessins qui lui ont été remis forment une suite dont le dynamisme est à chercher dans le processus du récit.
Critique douce
Quant aux photographies d’Oliver Musovik, histoires de proximité, elles naviguent pourtant entre l’image judiciaire, la photographie conceptuelle et la sculpture fortuite. Dans Neighbours 2 : the Yard (2002-2003), série documentant son voisinage, le Macédonien fait courir un texte descriptif sous une image d’éléments anodins (cage de football, troncs peints…), lesquels se révèlent être des projets communautaires hésitants, soutenus par un égoïsme cruel : une balançoire où chacun vient avec son siège. Malgré le pessimisme de son titre (The Wonderful World that Never Was), l’intervention de Harrell Fletcher apparaît plus enjouée. Comme Roman Ondák, l’Américain signe un travail fondé sur la délégation, ici en relation directe avec l’institution culturelle. Dans une critique douce de cette dernière, il a demandé à ses concitoyens de Portland (Oregon) de réaliser les affiches de l’exposition. Imprimées, celles-ci ont ensuite été placardées dans la région pour promouvoir la manifestation. Un retour à l’envoyeur joliment assumé par le commissaire.
jusqu’au 28 mars, domaine de Kerguéhennec, 56500 Bignan, tél. 02 97 60 44 44, tlj sauf lundi 10h-18h, www.art-kerguehennec.com
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Si loin, si proche
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°187 du 20 février 2004, avec le titre suivant : Si loin, si proche