À l'affiche du Palais de Tokyo depuis le mois d'avril, l’artiste américaine Sheila Hicks présente ses travaux récents à la galerie Frank Elbaz, à Paris.
À la galerie Frank Elbaz, à Paris, Sheila Hicks (née en 1934) déploie en toute liberté des travaux récents, en variant les échelles entre des formats intimes et d’autres monumentaux. Une installation évolutive est également à voir et à vivre au Palais de Tokyo pendant plusieurs mois encore.
Vous avez à vos débuts beaucoup étudié les textiles précolombiens. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Je me suis intéressée à l’idée de la matière et de la technique et à la culture précolombienne du textile. J’avais fait une thèse sur le sujet lorsque j’étais étudiante et j’étais fascinée au point que j’ai essayé d’imiter certains tissus, mais c’était très maladroit et pas du tout satisfaisant. Mais finalement cela m’était égal et m’a menée à faire un voyage de découvertes très intense qui fut une manière de développer un vocabulaire et d’utiliser la couleur en volume et non en surface. Je voulais travailler les choses en trois dimensions, et comme le fil est une ligne, lorsqu’on commence à travailler avec la ligne dans l’espace tout est possible. À petite échelle c’est très intime et à grande échelle c’est de l’architecture, ce qui offre un très large éventail. C’est aussi très excitant car on peut tout imaginer en travaillant pour des architectes ou avec l’architecture. Passer de l’extrême d’une ligne, qui est comme un dessin ou une écriture, jusqu’au volume et à l’architecture me donne un énorme champ d’exploration. Ajoutez à cela la couleur et c’est le bonheur !
Vous considérez-vous comme une « artiste textile » ou est-ce une expression que vous n’aimez pas ?
Toute expression est bienvenue si le travail intrigue. Mon objectif est de faire quelque chose qui fasse rêver. J’ai plutôt l’habitude de me considérer comme une coloriste, mais cette expression ne me gêne pas parce que la structure compte beaucoup pour moi. On a souvent tendance à penser que les couleurs nient les structures. Mais les structures sont pour moi le vocabulaire basique : la logique, les complications et les sophistications des structures. Pendant mes études [à l’université de Yale auprès de Josef Albers, ndlr], tous les expressionnistes abstraits étaient en activité et ils avaient beaucoup de pouvoir, mais mon idée n’était pas de travailler l’expression pure. J’étais plus un chercheur avec pour but de trouver des structures intrigantes, des couleurs et des matières, et de créer quelque chose avec une émotion et peut-être une utilité dans le contexte architectural, ce qui conférait aux œuvres une vie plus longue que dans une exposition de musée. Je voulais faire des choses ayant une vie plus active quotidiennement, créer des environnements habitables, des lieux de rencontre, comme je le fais en ce moment au Palais de Tokyo.
Avec vos études de peinture, qu’est-ce qui vous a amenée vers l’usage du textile et abordez-vous votre œuvre comme des compositions picturales ?
En deux et trois dimensions ! Et une quatrième aussi, tactile. Je prends un fil et je dessine avec, sans crayon mais avec les doigts. Il y a dans l’exposition quatre dessins exécutés ainsi. Cela crée des espaces de volumes et un champ d’action. C’est comme des pigments purs, pas du textile mais une matière. Et il y a plusieurs couches avec ces matières, comme les aquarelles.
Le titre de l’exposition, « Unknown data » (données inconnues) signifie-t-il pour vous comme une réinitialisation dans la façon de créer de nouvelles œuvres et de considérer la manière dont elles sont faites ?
Je n’ai pas fait beaucoup d’expositions ici à Paris et lorsque Frank Elbaz m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai répondu que je voulais montrer des choses un peu confidentielles, que je fais mais n’expose pas. Dans des expositions de groupe on essaye de montrer des choses ayant une forte présence. Dans des petites expositions on essaye d’être plus subtil et précieux. J’avais envie de faire des choses entre les deux. « Unknown » ce sont toutes les étapes intermédiaires : d’avoir une petite idée et de les développer, mais pas avec la finalité d’une exposition dans un musée. Dans une galerie je peux rester plus à l’échelle humaine et montrer des choses expérimentales également. J’aime cette exposition, elle a de l’humeur, elle est drôlement sérieuse !
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Sheila Hicks : « Je cherche à faire quelque chose qui fasse rêver »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 18 octobre, Galerie Frank Elbaz, 66, rue de Turenne, 75003 Paris, tél. 01 48 87 50 04, www.galeriefrankelbaz.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Sheila Hicks : « Je cherche à faire quelque chose qui fasse rêver »