NEW YORK / ETATS-UNIS
New York vient d’inaugurer son tout dernier centre d’art multidisciplinaire, qui entend produire des œuvres croisant arts visuels et arts vivants.
New York. Depuis la 30e Rue à New York, The Shed excite la curiosité. Les passants lèvent un regard interrogateur vers ce gigantesque toit molletonné qui, à la façon d’un étui roulant, recouvre l’édifice et semble, malgré ses 37 mètres de hauteur, aussi amovible qu’un jouet géant. Quelques jours avant son ouverture au public le 5 avril, il faut contourner quelques équipes de chantier pour se hisser jusqu’aux portes flambant neuves du nouvel espace artistique à but non lucratif, l’un des joyaux de Hudson Yards, dernier quartier de New York inauguré au mois de mars sur le flanc ouest de Manhattan.
À l’intérieur, on ajuste les escalators, on inspecte les salles et on peint les murs au milieu de journalistes venus nombreux examiner les lieux, dont la construction seule a coûté 404 millions de dollars [plus de 360 M€]. La question s’entend dans les couloirs : « A new art center in New York, really ? » (« Un nouveau centre d’art à New York, vraiment ? »). Dans l’une des plus grandes capitales mondiales de l’art où les institutions culturelles pullulent, que compte apporter ce « petit » dernier, qui a attiré des investisseurs comme Jonathan Tisch, Michael Bloomberg et Frank McCourt ? « The Shed est un centre de production pour toutes les formes d’art, que ce soient des performances, des arts visuels ou de la culture populaire, pour tous les artistes, établis ou émergents, et pour tous les publics », répond Alex Poots, directeur général et directeur artistique du centre.
Sous le plafond vertigineux du McCourt Plaza, le plus grand espace du Shed avec ses 1 600 mètres carrés, Elizabeth dite « Liz » Diller [cofondatrice de l’agence Diller Scofidio + Renfro], architecte star qui a dessiné le bâtiment, confie au Journal des Arts : « Nous avons commencé à concevoir le projet à partir de rien, ou seulement d’un point d’interrogation : comment imaginer une nouvelle entité qui a pour philosophie de présenter tous les arts dans un seul espace, sous le même toit, y compris les arts du futur que l’on ne peut pas prédire ? » L’architecte, à qui l’on doit entre autres la célèbre High Line, une ancienne voie ferrée surélevée transformée en parc à deux pas du centre, s’est donc donné pour mission de concevoir un bâtiment « le plus flexible et amovible possible ».
L’espace McCourt, conçu sur le modèle des hangars industriels à l’aide d’une matière souple et opaque, peut par exemple se rétracter pour libérer de l’espace et créer au besoin une place en plein air au milieu du quartier, ou au contraire se combiner avec l’une des galeries intérieures et former un espace contigu de 2 715 m2. « On peut tout à fait imaginer un poète seul se tenir juste ici au milieu de l’espace aussi bien que ce que l’on va voir dans Soundtrack of America [une réalisation musicale dirigée par le cinéaste Steve McQueen pour l’ouverture du centre, NDLR] avec une scène et le public qui danse », explique l’architecte.
Résultat : en découvrant les quatre étages du centre, sans compter le bar du hall d’entrée au rez-de-chaussée et l’immense espace McCourt, on ne sait plus si The Shed est une galerie, une salle de concert, un musée ou une salle des fêtes. « Le bâtiment devait pouvoir être petit et modeste aussi bien que grand et exubérant pour pouvoir concevoir des spectacles intimes mais aussi des performances, des événements ou des installations d’envergure, rappelle Liz Diller. Il fallait que l’équipe artistique soit en mesure de remodeler l’espace pour chaque occasion. »
Quelques mètres plus haut, sous les verrières gorgées de lumière du dernier étage – un grand espace bas de plafond où se trouvent également des canapés –, Alex Poots insiste : « Dans mon esprit, il n’y a pas de “grand art” et d’“art inférieur”, il n’y a que des formes de créativité humaine. » Une ambition qui rend la programmation du centre exhaustive et très hétérogène, avec simultanément des œuvres de la musicienne mondialement renommée Björk, une exposition de 52 artistes et collectifs émergents et un spectacle d’arts martiaux réalisé par le metteur en scène Chen Shi-Zheng avec les scénaristes du film d’animation Kung-Fu Panda, le tout sur une musique composée par la chanteuse Sia. « Il y aura forcément des ratés », reconnaît humblement le chef d’orchestre de ce projet ambitieux. « Mais on apprendra de nos erreurs et on essaiera de faire toujours mieux », philosophe-t-il. Reste à savoir si le public sera aussi indulgent.
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The Shed, au service de tous les arts
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°521 du 12 avril 2019, avec le titre suivant : The Shed, au service de tous les arts