Avec sa trentième édition, placée théoriquement sous les auspices des poétiques, la Biennale reconquiert sa place dans le concert des manifestations internationales.
São Paulo - La Biennale de São Paulo, au Brésil, n’est pas seulement l’une des plus importantes au monde. Après celle de Venise (créée en 1895), elle est la plus ancienne et, depuis 1951, elle rythme l’actualité internationale. Hébergée, depuis 1954, dans un lieu magique – le bâtiment dû à Oscar Niemeyer – qui s’étend sur 20 000 mètres carrés répartis sur trois étages, la manifestation a connu bien des vicissitudes. La dernière édition en date, voilà quatre ans, fut surnommée la « biennale du vide ». Soupçonnés de malversations, les organisateurs d’alors, privés de subventions, avaient décidé d’ouvrir malgré tout une exposition, indigente.
En 2012, la donne apparaît – c’est heureux – bien différente, le professionnalisme l’emporte. Selon le communiqué diffusé par la biennale, celle-ci n’a pas de thème, mais plutôt un motif :
« L’imminence des poétiques », en particulier « comment l’art contemporain fonctionne dans une situation d’imminence, dans un monde imprévisible caractérisé par des événements encore à venir et que nos schèmes de pensée sont incapables d’assimiler complètement ». Dont acte. En fait, la sélection des artistes n’a pas vraiment été effectuée à partir d’un thème, même si des œuvres questionnent de façon récurrente le lien entre son et image ou la territorialité. Le parti pris adopté a davantage consisté à privilégier les œuvres et les artistes plutôt qu’une problématique d’ensemble. L’approche, très didactique, montre de nombreuses œuvres pour les différents artistes participants, qui sont ainsi très bien servis. Environ 3 000 pièces – dont 70 % sont inédites et la moitié ont été produites spécialement – créées par 111 artistes sont présentées dans un bon accrochage, qui les laisse respirer.
Peu de stars
Les cartels discrets mais complets, la gratuité de l’entrée et l’accompagnement des visiteurs, notamment une impressionnante mallette conçue pour l’accueil des jeunes publics, tout concourt à ouvrir largement la manifestation. Relevons de même le très bon équilibre entre les différents médias, à l’exception des accumulations présentes à l’excès, les séries d’objets, de dessins, de photographies ou encore de couvertures de magazines constituant une façon commode de produire des œuvres monumentales à bas coût.
La Biennale de São Paulo expose peu de stars de la scène artistique internationale et privilégie, comme à l’accoutumée, la scène « régionale » avec un fort contingent brésilien (23 artistes) mais aussi, plus largement, de créateurs d’Amérique latine (50 au total) : 7 Vénézuéliens, 4 Colombiens, Chiliens, Argentins et Mexicains, 3 Péruviens et un Uruguayen. Elle offre donc une belle occasion de découvrir la création la plus contemporaine de l’Amérique latine dans sa diversité. Notons que, s’il s’agit ici de la nationalité, de nombreux artistes vivent dans un pays différent de celui où ils sont nés, en particulier aux États-Unis et en Allemagne, ce qui ne saurait surprendre. La France est représentée par 6 artistes aussi différents que Bernard Frize (avec un ensemble de toiles qui reflètent bien son évolution de 1983 à 2012), Robert Filliou, Fernand Deligny, Michel Aubry, Pauline Bastard, Olivier Nottellet et Thomas Sipp.
Parmi les travaux exposés, on retiendra celui, sur le textile, de Sheila Hicks ; une intéressante série, composée de murs, objets ou fruits et légumes recouverts d’une épaisse argile brune qui s’écaille par Nydia Negromonte ; une vidéo représentant un sous-bois dans une quasi-obscurité de Daniel Steegmann Mangrané ; ou de très belles séries de photographies en noir et blanc (surtout des formats carrés) du Péruvien Eduardo (« Edi ») Hirose, né en 1975, dont on devrait entendre parler. La peinture n’est pas en reste avec les superbes œuvres, pour la plupart des encres sur papier en noir et blanc, de l’Argentin Eduardo Stupia interrogeant les frontières entre figuration et abstraction. Citons aussi les Brésiliens Lucia Laguna – une grande dame de la peinture – et Eduardo Berliner (dont le travail peut évoquer celui de Marc Desgrandchamp), le Vénézuelien (vivant à New York) Juan Iribarren mariant bandes colorées et coulures, ou encore le Suédois Andreas Eriksson, qui présente de grandes toiles aux tons sourds (ainsi que des sculptures).
L’édition 2012 de la Biennale de São Paulo constitue, au final, une exposition de bonne tenue centrée sur les œuvres, bien qu’un peu sage et largement dépourvue de pièces spectaculaires. Mais la manifestation est heureusement remise sur pied et compte de nouveau sur la scène internationale de l’art contemporain. Ce n’est pas rien.
Jusqu’au 9 décembre, Pavilhào da biennal, parque do Ibirapuera, São Paulo, Brésil, www.30bienal.org.br, tlj sauf lundi, mardi-jeudi-samedi-dimanche 9h-19h, mercredi-lundi 9h-22h.
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Abonnez-vous dès 1 €- Curateur : Luis Pérez-Oramas, écrivain, poète et historien de l’art
- Nombre d’artistes : 111
Légende Photo :
Juan Iribarren - Sans titre (2012)
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°377 du 19 octobre 2012, avec le titre suivant : São Paulo retrouve ses marques