NEW YORK / ETATS-UNIS
Un collectif américain d’artistes anonymes a secrètement transformé une suite de l’hôtel Trump à New York en cellule de prison
Sur la poignée de porte dorée de l’une des suites rutilantes de l’hôtel Trump à New York se balance une affichette « Ne pas déranger ». Un homme d’une trentaine d’années, vêtu de noir, entrouvre la porte. Il se présente, visage découvert « tant qu’on ne le prend pas en photo » : il est le contact presse du collectif Indecline, un groupe d’artistes anonymes connu aux Etats-Unis pour ses happenings provocateurs, raisonnablement illégaux et résolument anti-Trump. Ce vendredi 30 mars en fin de journée, Indecline présente son dernier projet, « The People’s Prison » (littéralement, « la prison du peuple »), à une dizaine de journalistes soigneusement sélectionnés et briefés par messages cryptés.
A l’intérieur de la suite, une forte odeur de peinture fraîche. Le référent presse et trois hommes cagoulés se tiennent dans ce qui fut, vingt-quatre heures plus tôt, le salon de la suite. De la pièce originale, il ne reste qu’un pan de papier peint jaunâtre à l’entrée, que désigne fièrement l’un des installateurs anonymes. Le reste du boudoir est tapissé d’un revêtement gris usé, sur lequel sont exposés 13 portraits d’activistes peints sur des drapeaux américains. Ici, Edward Snowden, le lanceur d’alerte et ex-employé des services secrets américains, là, Erica Garner, militante contre les violences policières à l’encontre des Noirs, ou encore Lyla June Johnston, activiste amérindienne. Sur un fond musical dramatique, des extraits de discours de ces figures révolutionnaires s’enchaînent.
Donald Trump en cage
Dans un coin de la pièce, une ampoule éclaire par flashs le clou du spectacle : une cellule carrée dans laquelle se tient assis un sosie de Donald Trump, casquette rouge vissée sur la tête et menottes dorées aux poignets. L’acteur singe le 45e président des Etats-Unis d’une voix si proche du modèle qu’elle en est troublante. « Vous, les "fake news" », lance-t-il aux journalistes errants dans la pièce, « vous avez intérêt à faire des reportages corrects ». Des emballages McDonald’s jonchent le sol de sa cage. « Et regardez bien », se penche l’un des artistes masqués, brandissant un rat vivant qui se tortille entre ses doigts. « Voici Randall. Il y en a six au total qui se baladent dans la cellule », précise-t-il, avant d’assurer que les animaux seront « relâchés dans la nature ».
La présence de ces rats est la raison pour laquelle la performance est illégale. « Nous n’avons pas le droit d’introduire des animaux sauvages à l’intérieur de l’hôtel », explique l’un des jeunes hommes cagoulés en costume et cravate, qui se décrit comme le directeur artistique. Il a fallu « six ou sept valises » pour transporter tout le matériel, des barreaux de prison au faux papier-peint, sous le nez des vigiles et des quatre réceptionnistes du lobby, estime le contact presse. « Nous avons pu financer ce projet grâce au précédent. Nous vendons des objets en lien avec nos œuvres et ça finance nos performances », explique-t-il. La suite, réservée pour deux nuits sous un nom d’emprunt a coûté près de 800 dollars par nuitée. Sans compter, au cours des six mois de préparation, la réservation d’une première chambre pour tester l’installation, notamment le faux papier peint censé se décoller sans abîmer la surface qu’il recouvre.
« Nous allons tout réinstaller dans la suite pour la rendre comme nous l’avons trouvée. Le but n’est pas de punir les employés de l’hôtel », insiste le directeur artistique. Le référent presse ajoute : « Nous voulions représenter ces activistes comme un jury qui regarde et condamne Trump. Nous voulions apporter un regard optimiste sur la justice et montrer que ceux qui se sont battus pour un monde meilleur peuvent aussi être les juges. » Les 13 portraits, réalisés par 13 artistes différents seront vendus individuellement, de 1 300 à 7 000 dollars, à partir du 11 avril dans la « Gallery 30 South » à Pasadena en Californie, où l’installation sera reproduite à l’identique pendant trente jours. Pour chaque œuvre, une partie des fonds collectés reviendra à une association sélectionnée par l’artiste, précise le collectif. En guise d’adieu, le faux Donald Trump éclate, plus vrai que nature : « D’ailleurs, ces œuvres d’art sont vraiment stupides. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
A New York, des artistes mettent Donald Trump en prison
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €