Architecture

Musique intérieure

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 28 août 2019 - 435 mots

Suisse -  Peu d’architectes, en réalité, apprécient ce type de commande : hériter d’un volume quasi défini pour, suite à un ultime bouleversement du programme, en changer radicalement sa fonction.

C’est ce qu’il advint à l’Anglaise Christina Seilern avec la salle de concert qu’elle a livrée, en juin, à Andermatt (Suisse), village montagnard de 1 500 âmes, ancienne base militaire helvète dont les terrains libérés font, depuis le mitan des années 2000, l’objet d’un fort développement d’immobilier de vacances haut de gamme cornaqué par le groupe Andermatt Swiss Alps. Ce nouvel espace consacré à la musique classique se veut être la cerise sur le gâteau de cette reconversion. « À l’origine, ce parallélépipède de béton entièrement souterrain de 2 000 m3 et d’à peine 6 m de hauteur sous plafond était appelé à devenir une grande salle de conférences pour des congrès, raconte Christina Seilern. Puis, le propriétaire a voulu, à la place, une… salle de concert “de classe internationale” ». L’exercice n’était pas aisé. Néanmoins : « En respectant les alignements réglementaires, poursuit l’architecte, nous avons réussi à augmenter le volume initial de manière à honorer les standards mondiaux en matière de salle de concert. En l’occurrence, l’arrière a été agrandi d’environ 6 à 7 m et, surtout, le plafond a pu être rehaussé jusqu’à une hauteur de 13,5 m, ce qui a permis de libérer une vaste paroi vitrée pour faire entrer la lumière naturelle à l’intérieur de l’espace. » Surface totale : 2 341 m2. Coût des travaux : 11 millions de francs suisses.La pièce maîtresse, la salle de concert, se révèle effectivement ample et baignée, de jour, d’une agréable lumière, contrairement au hall d’accueil, un brin étroit, et de sa mezzanine elle aussi étriquée. D’une capacité de 650 places assises, le lieu est tout habillé de chêne clair du plus bel effet, selon un motif constitué de lignes brisées à mi-chemin entre art cinétique et camouflage Razzle Dazzle des navires militaires anglais de la Grande Guerre. L’astucieux « décollement » du plafond originel a fait largement doubler le volume acoustique de la salle pour le porter à 5 340 m3, offrant une scène, modulable, qui permet l’accueil d’un orchestre symphonique complet de 75 musiciens. Au plafond, trois éléments blancs sculpturaux, des réflecteurs acoustiques, semblent léviter, tels des nuages. L’acoustique, bien équilibrée – paraît-il ! – et réglable électroniquement quant à la réverbération, est signée Kahle Acoustics et la scénographie Ducks Scéno, un tandem ayant déjà fait ses preuves à la Philharmonie de Paris. Grâce à l’oblongue paroi vitrée logée en hauteur, juste au-dessus de la scène, les spectateurs bénéficient même d’une vue étonnante sur le paysage alpin alentour.

À savoir
Christina Seilern, 49 ans, a grandi en Suisse avant de suivre des études d’architecture à la Columbia University de New York, dont elle sort diplômée en 1996. L’année suivante, elle entre dans l’agence Rafael Viñoly Architects (RVA), dont elle prendra la direction. En 2000, elle s’installe à Londres, pour ouvrir la branche européenne de RVA. Six ans plus tard, elle y fonde sa propre agence : Studio Seilern Architects.
À voir
Andermatt Concert Hall, Bärengasse 1, Andermatt (Suisse). www.andermattmusic.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : MUSIQUE INTÉRIEURE

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