Pour sa sixième édition, le Festival international de Moscou met en exergue les « Voyous des années 80 » et propose notamment une rétrospective du Français Guy Bourdin.
MOSCOU - Ils ont les cheveux en bataille, quand ils n’arborent pas fièrement une crête se dressant au-dessus d’un crane rasé. Habillés de jeans, ils posent en bande, devant des motos, soutenant des regards noirs. Ces « Voyous des années 80 », punks et new wave, sont au centre du 6e Festival international de Moscou, « La mode et le style dans la photographie ». Présentée au Manège, à deux pas de la place rouge et du Kremlin, cette exposition de trois cents images issues de fonds privés attire les foules. Organisé en parallèle à la publication d’un épais ouvrage signé Micha Baster, cet accrochage met en exergue une subculture qui est apparue en Russie soviétique dans les années 1980, au moment où le rideau de fer a commencé à s’entrouvrir. Porté par la musique, ce mouvement surtout actif à Moscou et Leningrad s’est aussi développé grâce à l’arrivée de nouveaux tissus permettant la propagation d’une nouvelle mode. « Cette exposition est la plus intrigante pour les Russes, constate Olga Sviblova, commissaire générale de la biennale. Elle affiche des êtres individualistes qui étaient ouvertement contre les Soviétiques. » Ces photos sont en effet les témoins d’un vent de liberté dans une société au bord de l’effondrement.
Pour cette édition du festival, et malgré une baisse du nombre des expositions par rapport à 2007, Olga Sviblova a souhaité « sortir de la crise à travers la fête ». « Il faut se battre contre la crise par la culture », martèle-t-elle. Centrée sur la mode au sens large, la manifestation fait cependant profil bas par rapport à des éditions précédentes. L’un de ses clous est la grande rétrospective consacrée au Français Guy Bourdin, dont les tirages aux couleurs saturées et les jeux de cadrage sur le corps des femmes propose une autre vision des années 1980, offrant un fort contraste avec les images plus austères des new wave russes. Ailleurs, les photos clinquantes ont déserté presque toutes les cimaises. « Le glamour est démodé, tranche la commissaire. Tout le monde est antiglamour aujourd’hui ! » Seul îlot de résistance, l’exposition « Christian Dior, 60 ans de photographie » apparaît tel un ovni au Musée d’état d’art contemporain de l’Académie des beaux-arts. Plusieurs séries commandées à des photographes chinois, en l’occurrence Quentin Shih, Wang Qinsong et Rong Rong & Inri, sont à mille lieux de l’élégance contenue des images historiques d’Erwin Blumenfeld, Willy Maywald ou Henri Cartier-Bresson. Sans parler de la série indigente d’une Nan Goldin manifestement en perte d’inspiration. à la Fondation de culture Ekaterina, c’est un tout autre univers que les visiteurs sont conviés à (re)découvrir, avec une autre version que celle présentée à Paris l’été dernier de l’exposition « David Lynch » conçue par la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Le cinéaste y dévoile des peintures narratives, expressionnistes et violentes ainsi que des photos noir et blanc qui rappellent les ambiances étranges de son film Erasure Head (1978).
Telle est la force de ce festival que de proposer des expositions couvrant tous les spectres de la pratique photographique, de l’art contemporain jusqu’aux images anciennes, comme ces extraordinaires photos couleurs réalisées dans le sud des états-Unis avant la Seconde Guerre mondiale. En écho, la commissaire Anna Petrova a préparé, à la Galerie Na Solyanke, une exposition extrêmement documentée sur le « costume russe en photographie XIXe-XXIe siècle ». Tout au long du XXe siècle, le costume sera en URSS tour à tour une manière de gommer ou d’affirmer les différences entre les nationalités, jusqu’à des représentations folkloriques qui ne peuvent trouver leur sens que dans la fascination béate de groupes de touristes. Drôle de mo(n)de !
6e FESTIVAL INTERNATIONAL DE MOSCOU, LA MODE ET LE STYLE DANS LA PHOTOGRAPHIE – 2009, jusqu’en juin, divers lieux, Moscou, rens. http://mdf.ru/english/
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Moscou à la fête
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Moscou à la fête